Puratos veut faire rimer qualité du cacao et qualité de vie des planteurs 

Initié en 2015, le programme Cacao-Trace, mis en place par le spécialiste belge de la boulangerie et du chocolat Puratos, ambitionne d’améliorer les conditions de vie des planteurs en misant sur une amélioration de la qualité du cacao, synonyme de valeur accrue. 

Créée en 1919, l’entreprise belge Puratos est aujourd’hui active dans plus de 130 pays et emploie quelque 10.000 personnes à travers le monde. Outre ses activités liées à la boulangerie et à la pâtisserie, le fabricant est également un important acteur de l’industrie chocolatière, lui qui commercialise du chocolat de couverture, entre autres sous sa marque Belcolade en Belgique, pour de nombreux clients professionnels : industriels, détaillants, artisans, etc. Il y a près de 10 ans, la firme a opéré un changement majeur dans son approvisionnement en cacao. « Dans nos activités chocolat, nous nous sommes rendus compte de la situation intenable dans laquelle se trouvaient les cacaoculteurs », explique Sylvestre Awono, expert Cacao-Trace chez Puratos.

« Nous avons analysé les alternatives proposées, et nous voulions agir davantage, aller plus loin dans nos actions afin de résoudre les problèmes de la filière. C’est pour cette raison que nous avons créé le programme Cacao-Trace, avec comme fil conducteur l’idée que, pour s’attaquer aux problèmes, il faut d’abord créer de la valeur. Et cela, nous le faisons par le biais de la maîtrise de la fermentation des fèves de cacao et le développement d’un chocolat au goût supérieur. Nous utilisons ensuite cette valeur créée pour faire du bien à nos communautés de producteurs, d’où notre slogan : ‘Great taste, doing good’. » 

Prime qualité et bonus chocolat 

Plus concrètement, Puratos verse aux planteurs de sa filière Cacao-Trace, notamment en Côte d’Ivoire, plusieurs primes pour le cacao « supérieur » ainsi produit. « Au total, il y a cinq formes de paiement », détaille Sylvestre Awono. « Il y a d’abord la rémunération du prix ‘bord champ’ (environ 1.500 euros en 2023, NDLR) qui est payée cash au producteur. Ensuite, nous versons une prime qualité qui peut atteindre jusqu’à l’équivalent de 152 euros par tonne et qui est également payée cash au planteur. Une autre prime, d’environ 76 euros par tonne, est payée à la coopérative cette fois, et ce, afin de soutenir ses activités. En plus de cela, nous payons encore un ‘bonus chocolat’ de 10 centimes d’euro par kilo de chocolat que nous vendons, ce qui peut représenter jusqu’à 150 euros par tonne de fèves de cacao. » En 2022, ce ‘bonus chocolat’ s’est élevé à 1,574 million d’euros rien que pour les communautés partenaires de Côte d’Ivoire, où cet argent est utilisé pour financer divers projets de développement locaux. Six écoles et deux centres de santé y sont en cours de construction, tandis que 25 villages vont être équipés de châteaux d’eau alimentés à l’énergie solaire et que 9.750 kits scolaires ont été distribués. À terme, une fois que les besoins de base (eau, écoles, soins de santé…) des différentes communautés auront été assurés, le ‘bonus chocolat’ sera alors versé directement aux planteurs sous forme d’argent cash, comme c’est déjà le cas au Mexique, au Vietnam, ainsi qu’aux Philippines. 

Une fois ces différents postes additionnés, on arrive à une rémunération qui peut donc aller jusqu’à 1.800 euros par tonne pour le cacaoculteur et quelque 76 euros par tonne à la coopérative. Or pour cette même année 2022, Fairtrade International avait établi le ‘Living Income Reference Price’ pour le cacao en Côte d’Ivoire, c’est-à-dire le montant minimum nécessaire pour qu’un foyer puisse subvenir aux besoins de ses membres, à 2.390 dollars par tonne (2.175 euros). « Mais ce n’est pas tout puisque nous prenons également en charge différents frais comme les audits, les formations, la certification, le programme, etc. qui normalement incombent aux coopératives », souligne par ailleurs l’expert de chez Puratos, qui précise que ces frais peuvent atteindre des montants considérables, même si difficiles à quantifier car très variables en fonction des cas. « Il faut savoir que dans le cadre d’autres initiatives, ces frais sont en général payés par les coopératives avec l’argent des différentes primes perçues. » Enfin, notons que le programme Cacao-Trace comporte aussi un volet agroforesterie qui a permis de planter 427.000 arbres depuis 2019, alors qu’un million d’autres doivent encore sortir de terre d’ici 2025. Au total, l’initiative de Puratos regroupe pour l’instant 15.273 familles de planteurs à travers le monde. Et l’entreprise espère en atteindre 10.000 autres au cours des deux prochaines années. 

À l’heure actuelle, environ le tiers du chocolat produit par Belcolade en Belgique et le quart du chocolat produit par Puratos au niveau mondial est issu de sa filière ‘Cacao-Trace’. « Notre objectif à moyen terme est de faire en sorte que 50% de notre production totale soit Cacao-Trace », ambitionne Sylvestre Awono, qui précise encore que le fabricant belge propose aussi en parallèle d’autres certifications comme celle de Fairtrade ou de Rainforest Alliance. « Pour atteindre nos objectifs, nous avons mis en place une politique active afin d’inciter nos clients à opter en premier lieu pour Cacao-Trace : tous nos nouveaux lancements de produits s’inscrivent dans le programme, nous convertissons progressivement nos produits standards, etc. Si nous avons fait le choix de nous investir pleinement dans Cacao-Trace, c’est tout simplement parce que nous sommes convaincus que notre programme va plus loin que les autres initiatives en matière d’impact sur la qualité de vie des planteurs de cacao. » 

« Si nos produits sont inaccessibles, nous n’y arriverons pas » 

Plusieurs paramètres limitent toutefois la portée du programme de Puratos, à commencer par les volumes vendus. « Les limites de notre modèle sont liées à la volonté et à la capacité de nos clients et consommateurs à payer le prix de la durabilité », souligne Sylvestre Awono. « Malheureusement, tous les programmes n’ont pas les mêmes objectifs et charges. Mais nous nous employons à rechercher l’équilibre qui nous permettra de rester une solution optimale pour nos clients, tout en aidant nos communautés du mieux que nous pouvons. Car in fine, ce sont les consommateurs qui financent le programme. Si nous développons des produits qu’ils n’aiment pas, nous n’y arriverons pas. S’ils aiment nos produits, mais que ceux-ci sont inaccessibles financièrement, nous n’y arriverons pas non plus. » Plus largement, l’expert Cacao-Trace estime qu’il est également indispensable qu’un travail soit fait en matière de transparence et d’information, voire d’éducation du consommateur. « Le prix payé aujourd’hui pour le chocolat n’est pas suffisamment élevé, il faut pouvoir le dire. Toutes les parties prenantes dans cette filière disent qu’elles ont tout juste assez pour continuer, toutes sauf deux : les planteurs et l’environnement. Les premiers pourraient dès lors s’orienter vers une autre activité plus rémunératrice tandis que le second est carrément menacé de destruction. Dans les deux cas, cela signifie un risque d’indisponibilité du cacao à l’avenir. Il faut que le consommateur sache que s’il aime le chocolat et qu’il veut pouvoir continuer à l’aimer, il devrait accepter de payer un peu plus. » 

Enfin, un autre point d’attention identifié par Sylvestre Awono est justement lié à la croissance du programme. « Nous devons veiller à le faire grandir, mais sans le diluer qualitativement, sans en diminuer l’impact. Car notre ambition profonde elle est là, nous voulons être champion de l’impact au niveau des producteurs. Il ne faut pas perdre de vue que nous parlons ici de personnes qui se lèvent tous les matins, qui effectuent un travail difficile, et qui pour la plupart ne touchent même pas le revenu vital, c’est-à-dire de quoi vivre décemment. Ce revenu vital peut donc être une étape, mais en aucun cas l’objectif final. » Pourtant le temps presse, prévient l’expert de chez Puratos. « Il y a une prise de conscience dans le secteur, des initiatives existent et vont dans le bon sens. Mais l’heure n’est plus à compter les pas, il faut accélérer la marche, il faut courir même, et très vite. Il s’agit tout bonnement d’une question de survie pour l’ensemble du secteur à moyen terme. » 

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