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Bouchée après bouchée, Oxfam ‘Bite to Fight’ fond sur le revenu vital 

Avec sa gamme de chocolats ‘Bite to Fight’, Oxfam Fair Trade entend réduire l’écart qui existe encore bien trop souvent entre le revenu réel des cacaoculteurs et un revenu juste et décent. 

Lancée à la fin de 2018, la gamme de chocolats Oxfam ‘Bite to Fight’ est principalement composée de diverses variétés de barres et tablettes. Un assortiment somme toute classique, qui se distingue toutefois par l’ambition, inhabituelle dans le secteur, qui l’anime : permettre aux planteurs de cacao d’obtenir un revenu décent pour le fruit de leur travail. « Si l’on prend ce défi réellement au sérieux, cela signifie qu’il faut nécessairement revoir le business model de son entreprise, afin de rééquilibrer les risques et les bénéfices tout au long de la filière », explique Bart Van Besien, expert cacao au sein d’Oxfam Belgique, et qui rappelle qu’un cacaoculteur est confronté à d’énormes risques dans sa pratique : pertes de production, prix très volatiles, changement climatique, etc. « Une entreprise aussi court des risques, mais à des niveaux qui ne sont absolument pas comparables », souligne-t-il. 

Pour sa gamme ‘Bite to Fight’, Oxfam Fair Trade a donc fait le choix de non seulement s’approvisionner en cacao labellisé Fairtrade, mais en plus d’y ajouter sa propre prime. Le prix minimum Fairtrade est fixé à 2.206 euros par tonne de fèves de cacao. En outre, une prime Fairtrade additionnelle fixe de 221 euros est également versée aux producteurs. Ces derniers ne touchent toutefois pas l’entièreté de sommes précitées, divers frais et taxes devant encore être pris en compte. Pour tenter de combler l’écart entre cette rémunération réelle des cacaoculteurs et le revenu vital, Oxfam Fair Trade ajoute donc un « living income premium », sorte de prime ‘Bite to Fight’. Pour l’année 2024, celle-ci devrait avoisiner les 836 euros par tonne de fèves de cacao, soit un total de quelque 52.000 euros. Ces montants sont le fruit d’un savant calcul mêlant pourcentages de cacao contenu dans les produits et prévisions de vente. En d’autres termes, si Oxfam Fair Trade vend davantage de barres de chocolat que prévu au cours de l’année à venir, les primes seront plus élevées. 

Un projet « expérimental » 

Bart Van Besien confesse toutefois que le système actuel n’est pas parfait. « Cette imperfection est notamment due au fait que nous avons essayé de jouer ce jeu dans le modèle d’achat actuel d’Oxfam pour le cacao. » En effet, contrairement à ce que l’organisation pratique pour d’autres produits, Oxfam Fair Trade ne s’approvisionne pas en cacao de manière directe, mais via l’entreprise belge spécialisée dans les produits de boulangerie et le chocolat Puratos, qui elle-même se fournit auprès d’une coopérative ivoirienne choisie par Oxfam.

« Dans le système actuel, il y a pas mal d’intermédiaires, et nous essayons de ‘corriger’ les injustices via une prime payée avec un certain décalage. Pour les PME qui essaient de fournir un produit standard mais équitable, et dans des volumes relativement conséquents, il n’est guère facile de naviguer dans ce secteur assez complexe. Et cette complexité est souvent au détriment des intérêts des planteurs… Il faut bien se rendre compte que dans notre projet, tout est expérimental. Nous avons un point de départ et une destination, mais nous ne savons pas encore précisément quel chemin nous allons emprunter. » 

À l’heure actuelle, le programme ‘Bite to Fight’ compte 100 cacaoculteurs. Parmi eux, 10 ont déjà franchi le seuil du revenu vital. « Nous n’avons pas encore pu procéder à une analyse approfondie permettant de déterminer les raisons pour lesquelles ces 10 planteurs ont atteint le revenu vital, et pas les autres. C’est notamment lié à la possibilité de diversifier les sources de revenu, la taille des exploitations agricoles, etc. », passe en revue Bart Van Besien. « Cette problématique soulève donc de nombreuses questions quant à savoir jusqu’où va la responsabilité d’une entreprise qui achète du cacao. Il faut bien sûr payer un prix décent, mais faut-il aussi inciter à la diversification des cultures ? Est-ce durable de pousser les gens à produire du cacao toute leur vie ? Et ainsi de suite. Dans le cadre de ‘Bite to Fight’, Oxfam Fair Trade a fait le choix d’épauler les producteurs d’une façon intégrale, c’est-à-dire en les accompagnant dans le suivi de leurs revenus, en matière de bonnes pratiques agricoles, de diversification de leurs sources de revenu, en favorisant le renforcement économique des femmes… La recette pour atteindre le revenu vital est complexe. Mais payer un prix plus élevé pour le cacao doit de toute manière faire partie des ingrédients. » 

« Les acheteurs publics ont une responsabilité encore plus grande » 

Malgré « l’absurdité » actuelle de l’industrie du chocolat, qui ne rémunère en moyenne les producteurs de cacao qu’à hauteur de 6% du prix final, Bart Van Besien estime néanmoins que rendre la filière équitable et durable est un objectif tout à fait atteignable. « Tout le monde a compris désormais que la protection des Droits humains tout au long des chaînes d’approvisionnement relève de la responsabilité de chaque entreprise, même si cette notion ne se traduit pas encore nécessairement dans les pratiques. Par exemple, même si l’ensemble du secteur belge s’est engagé en faveur d’un revenu décent pour les planteurs dans le cadre de l’initiative Beyond Chocolate, on voit encore trop peu d’entreprises prendre un véritable engagement commercial en ce sens. Mais les choses évoluent, des initiatives commencent à voir le jour, la législation progresse également, que ce soit en matière de déforestation ou de due diligence… » L’expert cacao rappelle aussi que le consommateur a également un rôle à jouer dans cette problématique, au minimum en s’informant, puis en achetant de manière responsable en fonction de ses moyens. « À cet égard, les acheteurs publics ont même une responsabilité encore plus grande que les consommateurs privés, puisqu’ils ont non seulement davantage la possibilité de comparer les offres, d’interroger leurs fournisseurs sur la question du revenu des planteurs de cacao, mais également les moyens financiers pour acheter en conséquence. » 

Interview: Anthony Planus pour le Trade for Development Centre d’Enabel
Photos: Oxfam 
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