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Yeyasso : la petite coopérative joue à présent dans la cour des grandes

Nous avions envie de changer d’échelle, d’améliorer notre rendement, notre visibilité, notre professionnalisme.

Après deux ans de coaching avec la consultante Dominique Derom, le bilan est extrêmement positif pour la coopérative Yeyasso. “Nous avons beaucoup évolué”, nous confie son directeur Yeo Yessongbananan  Moussa et, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela se voit !

Il faut un début à toute grande aventure. En 2006, 350 producteurs et productrices de la région de Man, à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, se réunissent pour imaginer la coopérative agricole Yeyasso. Le pays est alors en pleine crise militaro-politique : “C’était difficile. Nous nous sommes professionnalisés au fur et à mesure. On peut dire que la coopérative a été officiellement lancée en 2012 lorsque les statuts ont été rédigés”, nous raconte Yeo Yessongbananan  Moussa, directeur de la coopérative.

Depuis lors, Yeyasso n’a cessé de grandir : de 350 à ses débuts, la coopérative est passée à 1600 membres en 2017, période à laquelle Yeyasso obtient un appui du Trade for Development Centre qui consiste en un coaching de deux ans : “Nous avions envie de changer d’échelle, d’améliorer notre rendement, notre visibilité, notre professionnalisme”, justifie Yeo.

Chute du prix du cacao : un contexte mondial défavorable

Dominique Derom, spécialiste en marketing en mission pour le TDC, débarque pour la première fois à Man, dans le district des 18 Montagnes près de la frontière avec le Liberia, en septembre 2017. “À cette période, Yeyasso n’avait pas encore beaucoup évolué, précise Dominique, “Elle se situe dans l’Ouest du pays, une région où la guerre a duré très longtemps causant des problèmes en tous genres. La paix n’est revenue réellement qu’en 2013.”

Il n’y a pas que cela, malheureusement : “L’année 2016 a été très difficile pour nous avec la chute du prix du cacao”, explique Yeo. Le café, qui représente un peu plus d’un tiers de la production de la coopérative permet de tenir la tête hors de l’eau. C’est dans ce contexte qu’une dizaine de membres de Yeyasso se lance dans le coaching dont ils attendent beaucoup : “Nous étions encore petits, mais avions de grandes envies de développement.”

Première étape : se rendre visible

Durant ce premier module, le vif du sujet apparaît très vite : “On a défini les forces, faiblesses, les opportunités et menaces de Yeyasso”, détaille Dominique, “Et on a défini les grands points d’action pour les années à venir. Un point particulier sautait aux yeux : Yeyasso était isolée. Personne n’y venait car c’était trop loin.” Il faut une journée de route pour y accéder que ce soit de San Pedro ou d’Abidjan. “C’est à nous de bouger et de disposer de bons outils de communication”, a pris conscience Yeo, le directeur de Yeyasso.

Toute une gamme d’outils de communication sont mis sur pied au fil des mois suivants grâce à budget de 15.000 euros du TDC : “Nous avons créé un site internet, des cartes de visite pour le personnel administratif, des tenues de travail à l’effigie de Yeyasso, des polos, des t-shirts, des affiches pour l’assemblée générale, des autocollants pour les véhicules”, énumère Yeo, “Nous avons aussi produit des dépliants informatifs et des calendriers qui sont aujourd’hui des réflexes puisqu’on a lancé le calendrier 2020 sur fond propre.”

2018 : aller à la rencontre des clients

Après cette première séance de coaching, quatre autres suivront en deux ans avec Dominique : “À chaque fois, nous abordions un thème plus spécifique défini selon les besoins de Yeyasso”, dit-elle. Ainsi, la deuxième semaine d’accompagnement au début 2018 fut consacrée à “l’approche du client”. Là aussi, de nouveaux réflexes étaient à acquérir : “On ne va pas chez un client pour se plaindre, mais pour comprendre ses attentes et y répondre”, tranche Dominique.

Les exercices de jeu de rôle pour simuler une réunion se sont enchaînés mais, comme souvent, l’expérience vient avec la pratique : “On n’avait jamais abordé un client de cette manière, c’est-à-dire en demandant l’information, en discutant de la prime à l’exportation.” La première réunion test fut encore chaotique, puis l’amélioration devint très nette : “Ils ont fait beaucoup mieux par la suite et les clients l’ont aussi remarqué, la conversation est devenue agréable, ils se démarquent à présent des autres coopératives.”

Trouver les acheteurs potentiels

Le troisième module visait à travailler la prospection : “Nous cherchions des partenaires régionaux et internationaux, mais sans la certification, ce n’était pas chose aisée. Le cacao vendu en conventionnel, c’est un peu du gâchis vu que l’on en tire un prix moins élevé. Mais, depuis janvier 2020, après trois ans d’efforts, notre cacao est certifié Fairtrade, ce qui devrait nous assurer l’accès à de nouveaux débouchés”, se réjouit Yeo. “Nous formulons beaucoup d’espoirs de nouveaux partenariats commerciaux, notamment internationaux.”

Yeo complète : “On a aussi appris que la ponctualité fait partie de la crédibilité, je dois avouer que nous étions parfois en retard aux rendez-vous. À présent, nos clients nous félicitent de nous voir arriver à l’avance.” Les évaluations rythment les différentes sessions : “La ponctualité est devenue un point majeur dans leur plan d’action”, commente Dominique.

En 2019, Yeyasso a travaillé sa gouvernance

“Le quatrième module fut consacré à la communication interne avec les productrices et producteurs ainsi que la communication au sein du conseil d’administration (CA) et de la direction”, résume Dominique. “D’abord, on a changé de siège administratif. En 2017, nous étions encore dans un local intégré au magasin de cacao, ce qui était problématique pour la concentration du personnel administratif. À présent, nous avons de vrais bureaux, calmes, avec une salle de réunion équipée d’un vidéoprojecteur, c’est agréable pour celles et ceux qui viennent nous rendre visite. Rien que ce changement-là a été très utile”, atteste Yeo.

Un plan d’action (“national et ambitieux”, souligne le directeur) jusqu’à 2022 a été mis sur pied début 2019 avec l’aide de Dominique pour améliorer la gouvernance, la gestion et la communication : “Quand je suis revenue fin novembre 2019, 80 % des outils avaient déjà été implémentés”, s’enthousiasme la coach. Exemple ? Les réunions du CA se déroulent désormais mensuellement (au lieu de trois fois par an), pareil pour le conseil de direction avec un suivi plus ponctuel. “On a aussi amélioré nos bases de données, tout le monde peut s’y retrouver à présent”, ajoute Yeo. “Puis, nous avons mis en place des tableaux d’analyse, de suivi et de comparaison qui nous permettent de mieux analyser notre rendement, nos recettes selon les clients, de budgétiser et d’anticiper d’éventuels retards de production. Ces nouveaux outils sont particulièrement bénéfiques pour la coopérative”.

Rendement des exploitations et nombre d’adhésions sont en forte hausse

Et Yeo constate que les rendements s’améliorent : “C’est la leçon que nous avons tirée de la chute du prix du cacao. Pour que les productrices puissent faire face, il faut se diversifier. La première action dans ce sens a été menée fin 2018 sur une parcelle gérée par des productrices où nous avons intégré du manioc avec un taux de rendement très élevé.”

Des producteurs toujours plus nombreux sont intéressés par rejoindre la coopérative : “De 1600  en 2017, nous sommes à présent passés 3820 membres dont 330 femmes. 2749 sont dans le cacao, 1071 dans le café”, développe le directeur. En deux ans, Yeyasso a ainsi plus que doublé son nombre de membres : “Les non-adhérents de cette région voient les oeuvres sociales menées dans les villages où Yeyasso est présent : constructions d’écoles, installations de pompes à eau, prêts scolaires ou fourniture d’engrais. Cela donne envie d’y adhérer”, salue Dominique. “En plus, Yeyasso a un programme certifié qui fixe une prime pour le producteur. Les échos sont très positifs.”

L’heure des bilans

L’accompagnement s’est terminé en novembre 2019 sur des constats de succès : “On voit vraiment un avancement. Les changements sont progressifs, mais bien visibles”, salue Dominique. “Il y a eu une grosse évolution dans notre manière de se comporter, de mener nos activités. Les conseils de Dominique nous ont professionnalisés, de façon progressive et l’on voit bien cette évolution par rapport à notre plan d’action”, dit Yeo.

Deux distinctions sont aussi venues appuyer ces résultats et récompenser les nombreux efforts de Yeyasso : deux années de suite, la coopérative a été élue meilleure de sa catégorie régionale. “Deux années d’affilée, c’est du jamais vu !” se réjouissent coach et coaché. À présent, Yeyasso est passée dans la catégorie nationale et ambitionne de se trouver dans le top 20 de Côte d’Ivoire. “Cela rapproche Yeyasso des coopératives africaines de haut niveau”, ajoute Dominique.

De grands défis pour le futur

Mais il ne faudrait pas en rester là ! De grands défis se profilent pour Yeyasso. D’abord les ressources humaines, a souligné Dominique, qui, selon Yeo, doivent être améliorées, avec l’apparition de nouvelles fonctions (de communication ou de gestion de projet, par exemple) dans l’équipe administrative. Une attention particulière est aussi accordée au genre : “On veut donner sa chance à toutes et tous”, clame le directeur.

Autre grand défi : continuer d’augmenter le rendement en passant de 5500 tonnes actuellement à 7000 d’ici 2022. Cela passera par la formation continue des productrices et producteurs via des formatrices et des formateurs :  “Une chose est de suivre les formations, une autre est d’appliquer ce qu’on a appris”, précise Yeo, “16 personnes forment à présent aux bonnes pratiques agricoles sur le terrain.” Yeo rêve aussi de pouvoir digitaliser le paiement des productrices et des producteurs : “Transporter de l’argent est dangereux dans la région. Passer au paiement mobile serait très utile pour nous”, commente Yeo.

Dernière chose importante par rapport à l’argent. Pour Dominique, un énorme défi, qui concerne les investisseurs, reste le financement de la coopérative : “Actuellement, Yeyasso ne bénéficie que d’un petit fond de caisse, mais ce n’est pas suffisant pour être autonome et financer le fonds de roulement d’une campagne de cacao. Si la coopérative avait des financements plus importants, elle pourrait acheter et vendre plus vite entre octobre et décembre où la demande est la plus haute côté exportateurs. Pour l’instant, les échanges se font camion par camion. Il est difficile d’accéder aux financements avec les banques, et c’est très important qu’au niveau local et international les investisseurs l’entendent.”

Propos recueillis par Charline Cauchie pour le Trade for Development Centre.

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