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Vital : le bon goût du nougat équitable

Si Montélimar est réputée être le berceau du nougat, les origines de cette confiserie aux noix se situent en fait dans l’ancienne Perse, où l’on trouvait des noix et du miel à profusion. Par le truchement des Arabes, elle a ensuite conquis les pays méditerranéens pour toutefois, pour une raison inconnue, s’arrêter aux frontières du Nord. L’homme qui a introduit ce délice en Belgique il y a 90 ans a donné son nom, Vital, à son entreprise. Sa gamme inclut depuis plusieurs années du nougat équitable.

Vital Gormez est le descendant d’une famille juive d’Espagne partie pour Istanbul vers la fin du 15siècle. Cette famille de confiseurs confectionne entre autres des loukoums, mais ceux-ci ne se conservaient pas facilement. Vital quitte sa ville natale au début des années 20 pour sillonner le monde à la découverte des secrets du nougat sous toutes ses formes. Après trois ans de stage à Montélimar, Alicante et Vérone, son périple le mène chez un oncle pâtissier établi à Anvers. Alors qu’il loge chez un cousin à Gand et vend du nougat le soir au cinéma Capitole, il rencontre la belle Elsa, qui joue la musique live au piano. Ils tombent amoureux et se marient. Vital ouvre alors un petit magasin de nougat à Gand. Vers la fin des années 30, celui-ci devenant déjà trop petit, il s’installe dans un village en dehors de la ville. Après la guerre, il découvre un débouché idéal : les vendeurs de foires, kermesses et marchés. Ce n’est que dans les années 50 que le phénomène du nougat prend réellement son envol. Les  gens commencent à voyager vers le Sud et y découvrent cette friandise. La demande ne cesse alors de croître et Vital devient le fournisseur de pâtisseries, confiseries et magasins touristiques. Son fils Maurice, qui rejoint l’atelier en 1958, nourrit de plus grandes ambitions et ajoute à cette clientèle de grands supermarchés. 

Il aboutit toutefois au constat que cette démarche s’inscrit en faux contre sa philosophie de la primauté de la qualité sur le prix et finit par mettre un terme à la collaboration. Dans les années 70, il se lance dans l’exportation de ses produits à Singapour, Kuala Lumpur et Hong Kong. La commercialisation d’un produit totalement inconnu n’est certes pas une mince affaire, mais ses efforts portent leurs fruits, aujourd’hui encore : la petite entreprise individuelle de Vital s’est transformée en une entreprise florissante, exportant vers plus de 50 pays, dont un tiers au Moyen-Orient et en Asie. 

Matthias Haeck, le beau-fils de Maurice, gère aujourd’hui l’entreprise avec sa femme. Il retrace pour nous l’évolution vers l’équitable : « Pendant une de nos sessions de brainstorming, nous avions déjà évoqué l’idée de fabriquer du nougat bio, vu que notre produit ne contient ni conservateurs ni colorants, mais nous craignions de ne pas trouver de débouchés. Quelques années plus tard, une petite entreprise produisant entre autres du nougat bio, m’a demandé si nous pouvions leur en fabriquer. Nous n’avons pas accédé tout de suite à leur demande, mais nous avons en fin de compte repris leur portefeuille d’acheteurs de nougat bio et nous avons développé une gamme de produits. Il nous a semblé logique à ce moment-là de nous inscrire dans une démarche tant bio qu’équitable. Les consommateurs qui achètent « consciemment », optent généralement pour les deux, et notre message est ainsi clair et sans équivoque. Aujourd’hui, nous vendons cinq fois plus de nougat bioéquitable qu’en 2010. Depuis peu, notre gamme équitable comprend aussi des granulés pour les secteurs de la biscuiterie et de la crème glacée. »Du sucre de canne d’Inde, du miel du Mexique, de la vanille de Madagascar, du cacao du Ghana et du café du Brésil… le nougat Vital est une invitation au voyage ! Pour ces maîtres nougatiers aussi, des mois de recherche ont précédé la conversion. « Il n’est pas toujours facile d’accorder le bio et l’équitable, et d’adapter la production. Ainsi, nous avons dû longuement chercher notre extrait de vanille : la plupart sont liquides, à base d’alcool ou d’huile, et s’évaporent donc lors de la cuisson à feu ouvert, ou alors ils rendent notre nougat  moins digeste. Depuis peu, il existe de la vanille équitable en poudre et c’est ce que nous utilisons désormais, même si son prix est exorbitant (175 €/kg). Dans le temps, Fairtrade Belgium nous a imposé d’utiliser de la vanille équitable pour la seule raison qu’elle existe, mais techniquement cela n’était pas faisable pour nous. Au début, ils ne comprenaient pas, car leur point de vue est bien entendu différent. Ils ont également essayé de nous convaincre de remplacer les amandes par des noix de pécan équitables. Mais la moindre modification de la recette implique de tout revoir : tant le goût et les textures que la durée de conservation. »

Pour opérer une distinction entre cette gamme « durable » et la gamme classique, Vital a opté pour des amandes non pelées et un emballage différent. Le nougat équitable, qui représente d’ores et déjà un chiffre d’affaires de 8 %, est promis à un bel avenir, selon Matthias. « Le marché bio me semble plus stable que le marché équitable. Il existe depuis plus longtemps et est déjà bien ancré dans les habitudes du consommateur. Mais les deux domaines se recoupent de plus en plus, Fairtrade International encourageant ses producteurs à opter pour la culture bio. Cela facilite déjà un peu notre travail. »

Aux yeux de Matthias, la continuité de l’approvisionnement constitue le plus grand défi à relever. « L’approvisionnement est irrégulier ; or, nous devons bien sûr pouvoir livrer nos clients à temps. Je m’attends à une amélioration à l’avenir, mais, pour l’heure, nous nous trouvons dans une situation impossible. Plusieurs grands acteurs du marché sont presque entièrement passés à l’équitable, mais force leur est de constater que l’offre de matières premières est insuffisante pour leurs énormes tonnages. Ils mettent l’organisation sous pression, car leurs machines doivent tourner. Du fait de ces problèmes d’approvisionnement, il se pourrait qu’un fabricant ne dispose, à un moment donné, pas de la quantité de sucre équitable nécessaire et qu’il se serve de sucre classique pour son produit équitable pour, après, utiliser du sucre de canne, une fois que celui-ci est livré, dans un produit non équitable. La Mass Balance en fin d’année est certes correcte, puisque le sucre de canne a été acheté et utilisé, mais le client, lui, pourrait se sentir dupé, étant donné qu’il paie plus pour cette qualité. Il est vrai que Fairtrade Belgium procède à des contrôles rigoureux et que les fabricants ne sont pas libres d’agir de la sorte, mais cela arrive parfois quand même, en raison de l’irrégularité de l’approvisionnement. Si je comprends l’attitude accommodante de Fairtrade Belgium, j’estime qu’elle comporte néanmoins des risques, surtout eu égard au consommateur. L’avantage du commerce équitable réside justement dans le fait qu’il y a une transaction physique : vous ne donnez pas simplement de l’argent, vous savez que le fait d’acheter une banane équitable aura pour effet d’améliorer la vie d’un paysan quelque part dans le monde. »

Matthias est convaincu qu’un marché libre, au vrai sens du terme, rendrait superflue la prime payée actuellement aux producteurs du Sud. « Si, dans certains pays, les petits producteurs ne gagnent pas assez pour s’assurer un certain degré de bien-être et de développement, cela est essentiellement dû aux rapports tendus entre les entreprises et les autorités. Un marché vraiment libre applique une correction sur les monopoles et les grandes entreprises. Aujourd’hui, les rapports de force entre les autorités et les entreprises mènent à des situations où un petit nombre d’entreprises détient un très grand pouvoir, au détriment des autres, et où les acteurs les plus faibles de la filière, à savoir les producteurs, sont victimes d’exploitation. Alors qu’en fait, ce sont les agriculteurs qui devraient être en position de force, puisque nous dépendons tous d’eux ! »

Et cela vaut aussi pour les agriculteurs de chez nous, ajoute Matthias. « Rien qu’en Flandre, plus d’un quart des éleveurs porcins filent tout droit vers la faillite. Pourquoi donc y a-t-il tant d’éleveurs porcins ? Et pourquoi les prix de la viande de porc sont-ils si bas ? Bon nombre de facteurs sont liés aux politiques : le subventionnement des éleveurs porcins, les embargos entre l’UE et la Russie, les crédits bon marché accordés par les banques… Tout cela fausse le marché et aboutit à des excédents, de sorte que les éleveurs ne touchent pratiquement plus rien pour leur viande. Il est vraiment indispensable de trouver une solution durable ! »

À ce jour, le commerce équitable constitue la meilleure façon d’appuyer les petits producteurs du Sud, conclut Matthias. « Nous produisons annuellement 38 tonnes de nougat bio équitable, c’est-à-dire bio à 99,9 % et composé pour plus de 50 % d’ingrédients équitables. » En Belgique comme dans les autres pays d’Europe occidentale, Vital choisit des distributeurs proposant leur assortiment de qualité à de petits magasins spécialisés. Si le commerce équitable a le vent en poupe dans les pays scandinaves, et même dans les États baltes, il a du mal à décoller au Portugal, en Espagne, en Italie et en Grèce, où les esprits ne sont pas encore mûrs. « Nous ne voulons pas de la croissance pour la croissance, mais nous sommes convaincus qu’il est possible de conjuguer une activité lucrative et le respect de certains critères. Certes, ces critères évoluent : dans les années 90, l’hygiène était primordiale, puis l’écologie a pris le relais. Mais il y a toujours une constante : le goût doit être au rendez-vous ! » 

Crédits photos : Vital

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