Portée sur les fonts baptismaux en l’an 2000, l’entreprise louvaniste Freja Food confectionne aujourd’hui plus de 20 types de produits de biscuiterie, écoulés dans quelque 300 magasins d’alimentation bio belges. Avec ses biscuits, gaufres et cakes artisanaux, Freja Food jette des ponts entre les petits producteurs du Nord et ceux du Sud.
Après ses études en sciences économiques appliquées, Roland Dejaeghere a travaillé pendant douze ans dans le secteur des ingrédients de boulangerie, le plus souvent à l’étranger, notamment en Europe du Sud. « Après la crise de la dioxine en 1999, j’ai commencé à me poser des questions sur notre alimentation et la durabilité de notre système alimentaire », se remémore Roland.
Au terme de plusieurs entrevues cruciales avec des pionniers du secteur bio belge, il a décidé, avec Marc Boerboom, de commercialiser un produit bio. « Nous avions tous les deux de l’expérience dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie. Marc en tant que fils de boulanger, et moi, dans la vente d’ingrédients de boulangerie. Ainsi avons-nous décidé de nous lancer ensemble dans la fabrication de biscuits. » La déesse norvégienne de la fertilité, Freja, a inspiré le nom de la nouvelle entreprise.
« Nous avons, pour commencer, offert un assortiment réduit de biscuits, gaufres et cakes. » D’emblée, Freja Food a opté pour des ingrédients bio et une méthode de production artisanale. « Au début, tous nos produits étaient faits à base de froment, mais au fil des ans, nous avons commencé à expérimenter d’autres céréales telles que l’épeautre, le quinoa, l’avoine et le chanvre. En rencontrant les bonnes personnes, nous avons pu innover. »
Pas de coût additionnel pour le consommateur
Il y a dix ans, avec l’aide de l’ONG Vredeseilanden, Freja Food a décidé de recourir, dans la mesure du possible, à des ingrédients équitables. Aujourd’hui, pratiquement tous les produits de Freja Food commercialisés sous les marques Be Bene et MONDOh portent le label Fairtrade. « Le goût est primordial pour nous, aussi nous a-t-il fallu quelque temps pour trouver les ingrédients adéquats. Aujourd’hui, notre sucre provient du Paraguay et d’Inde, et notre cacao du Ghana et du Pérou. »
Freja Food a pris le parti de ne pas augmenter le prix de vente de ses produits équitables. « La différence de prix des ingrédients n’est pas très grande, nous n’avons donc pas voulu la répercuter sur le consommateur. L’équitable ne doit pas être un élément stratégique brandi comme une excuse pour demander un prix plus élevé aux clients. »
Pour Roland, opter pour des ingrédients équitables est un choix éthique et philosophique. « S’investir dans la durabilité signifie pour moi mettre en place des activités économiques rentables, dans le respect de l’environnement et des producteurs dans les pays en développement. »
Simply tasty
Simply tasty est le slogan de Freja Food. « Nous référons ainsi à nos recettes traditionnelles, simples et savoureuses. En lisant l’étiquette, le consommateur doit pouvoir comprendre comment sont confectionnés nos biscuits. Nous utilisons au maximum huit ingrédients. » Les produits sont pratiquement tous confectionnés de façon artisanale et manuelle. « Nous pourrions certes procéder autrement, mais pour nous, c’est hors de question. »
« Pour obtenir la texture et le goût de biscuits faits maison, il faut travailler avec de petites quantités de pâte. Notre prix de revient est dès lors supérieur. Jusqu’à 15 kilos de pâte environ, il n’est pas nécessaire d’utiliser des émulsifiants pour obtenir un produit léger et appétissant. Même si cet ingrédient est accepté dans le secteur bio, nous avons résolument choisi de ne pas l’utiliser. »
Bon nombre de fabricants utilisent des moules pour façonner leurs biscuits. Freja Food, pour sa part, déverse la pâte sur une plaque de four. « Cela donne une tout autre texture », explique Roland. « Les biscuits fondent dans la bouche. C’est aussi pour cela que leur forme est légèrement différente. De plus, le saupoudrage d’amandes ou de pépites de chocolat étant réalisé à la main, les quantités ne sont donc pas tout à fait identiques. Cela ne me dérange pas, et mes clients non plus. Je pense même que cela ajoute une touche de charme. »
Un pont entre le Nord et le Sud
En 2007, Freja Food a cofondé la nouvelle marque MONDOh, qui, la même année, a reçu un Be Fair Award, récompensant la meilleure marque de commerce équitable, par le Trade for Development Centre. MONDOh jette un pont entre le commerce équitable dans le Sud et l’agriculture à petite échelle dans le Nord.
« À travers la charte MONDOh, nous nous engageons à importer des produits équitables et à acheter des ingrédients locaux dans un rayon de 150 kilomètres autour de notre entreprise. Notre farine d’épeautre provient par exemple du nord du Luxembourg, notre beurre de Recogne et nos œufs de Tessenderlo. Le chanvre utilisé dans nos biscuits est également d’origine belge. »
Si MONDOh témoigne déjà de l’engagement remarquable dont fait preuve Freja Food, Roland estime qu’ils peuvent toujours faire mieux. « C’est pourquoi nous cherchons constamment à être plus durables encore. L’emballage de nos biscuits est désormais réalisé en polyéthylène recyclable au lieu de PVC. Mais il existe aussi des emballages à base d’amidon de maïs biologiquement dégradables, et nous envisageons maintenant de passer à ce type de conditionnement. » D’autre part, Freja Food appuie depuis plus de cinq ans l’ONG Cunina, qui s’investit dans la promotion de l’enseignement en faveur des enfants défavorisés dans le Sud.
Innovation
En 2009, l’assortiment Be Bene a reçu le prix Bio pour son caractère innovant et ses ingrédients équitables. Décerné par BioForum à l’occasion de la Semaine bio, ce prix récompense les entreprises fournissant des efforts particuliers pour promouvoir le label bio ou innover dans le secteur. Freja Food expérimente aussi régulièrement de nouvelles recettes, par exemple à base de quinoa, de chanvre ou de manioc. « Chaque jour, nous voyons ou nous entendons parler de gens qui innovent d’une manière ou d’une autre, et cela nous motive à faire de même. »
Cela ne signifie pas pour autant que chaque tentative est couronnée de succès. « Nous avons par exemple voulu confectionner des biscuits sans sucre, mais notre procédé de fabrication en requérait pour produire des biscuits savoureux et pouvant être conservés un certain temps. Et nous ne pouvions pas simplement remplacer le sucre par un autre ingrédient. Les biscuits au quinoa, par contre, étaient très bons ! Nous avons donc choisi de les commercialiser, mais ils ne se sont malheureusement pas bien vendus. »
Personnellement, Roland a une préférence pour ses biscuits au chanvre. « Ils sont délicieusement croustillants ! J’aime aussi particulièrement les biscuits à l’avoine, dans lesquels seule cette céréale est utilisée. La plupart des autres biscuits à l’avoine n’en contiennent que très peu. »
« Les mentalités évoluent fortement. Quand j’ai commencé il y a quinze ans, les gens trouvaient le concept étrange, » se rappelle Roland. « Mais aujourd’hui, il me semble que tout le monde connaît et sait ce que représentent le bio et le commerce équitable. Et si tous ne passent pas pour autant à l’achat, ils savent de quoi il retourne et sont de plus en plus nombreux à estimer que c’est là une alternative parfaitement valable à l’alimentation traditionnelle. »
Cela se traduit-il aussi dans les chiffres ? « Il est clair que le secteur bio dans son ensemble se développe, mais je ne crois pas que Freja Food connaisse une croissance plus rapide que les autres acteurs du secteur. Cette évolution nous réjouit, mais nous n’ambitionnons pas de devenir trop grands. Nous voulons pouvoir tenir le rythme et nous souhaitons continuer à produire de manière artisanale, avec des ingrédients de bonne qualité. Par ailleurs, un changement devrait s’opérer plus rapidement dans notre système alimentaire. Il faudrait absolument veiller à ce que notre alimentation redevienne plus saine. » Ce n’est certes pas la motivation qui manque à Roland. « Je le fais avec plaisir, c’est cela qui, à mes yeux, donne tout son sens à l’entrepreneuriat. »