La Belgian Fair Trade Federation (BFTF) se définit comme la plate-forme belge du commerce équitable. Portée sur les fonds baptismaux en 2010 après deux années de gestation, elle réunit 13 membres effectifs et 4 membres observateurs.
L’idée d’une plate-forme belge du commerce équitable, à l’instar de la plate-forme française (www.commercequitable.org), trottait depuis longtemps dans la tête de bien des acteurs du secteur. Du côté des autorités aussi, l’on souhaitait pouvoir s’adresser à un interlocuteur représentatif du secteur puisque jusqu’alors (et jusqu’aujourd’hui), il n’y avait aucun cadre légal qui définisse et réglemente le commerce équitable.
Encouragée par le ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt, la nouvelle plate-forme, basée à Liège, s’est vue fixer trois objectifs: a) la représentation du secteur, b) l’accompagnement des entreprises qui veulent s’orienter vers le commerce équitable, c) la promotion des membres, l’information et la sensibilisation du public sur le commerce équitable.
Des critères d’admission assez stricts
Pour en faire partie, une entreprise doit atteindre un certain pourcentage de son chiffre d’affaires en équitable : 75 % pour les importateurs, grossistes et transformateurs, 60% pour les détaillants. Mais comment distinguer ce qui est équitable de ce qui ne l’est pas ? Pour ce qui est des produits labellisés, la question ne se pose pas. Pour le reste, c’est l’approche d’une certification de la filière de production qui a été choisie, selon les dix critères de la WFTO (World Fair Trade Organization).
La BFTF compte actuellement 13 membres effectifs, tous basés en Wallonie ou à Bruxelles : Latino Fierros, Optimart, La Pachamama, Ozfair, Café Chorti, Couleurs Sud, D’ici D’ailleurs, Miel Maya, Maya Fair Trade, Oxfam-Magasins du Monde, Ethiquable, Belvas et Tiksy Import. Quatre autres, comme le Trade for Development Centre, ont un statut d’observateur. Les labels ne peuvent en être membre car ils seraient à la fois juge et partie.
Le service aux membres avant tout
Depuis sa création, la fédération a plutôt connu une diminution du nombre de ses membres, certains d’entre eux ayant malheureusement disparu à cause de la crise. « Nos critères d’adhésion sont aussi assez sévères. Ces critères ont pour but d’inclure uniquement des acteurs dont le commerce équitable est l’activité première, et non pas annexe », explique Claire Cambier, l’actuelle coordinatrice. « Etre petit nous permet aussi de répondre plus justement aux besoins de chacun », ajoute-t-elle.
Concrètement, que fait la BFTF ? Tout d’abord, elle rend des services aux membres, tels que des formations et des rencontres. Un Business Day fut ainsi organisé en 2013 pour encourager les relations commerciales entre les différents membres de la fédération. « Ce que nos membres viennent chercher, c’est le contact, la mise en réseau », précise Coline Van de Kerckhove, la chargée de projets de la plate-forme, qui donne un autre exemple : la mise sur pied d’un collectif – incluant aujourd’hui aussi des acteurs non membres – pour vendre des biens non alimentaires. Ce groupe, devenu complètement autonome, organise régulièrement des ventes collectives au Centre des Tanneurs, à Bruxelles.
Business is business
« Les personnes qui se lancent dans le commerce équitable ont un rêve et des valeurs. Mais après, c’est du business, ajoute la chargée de projets. Et ces personnes sont souvent bien seules. Elles font tout elles-mêmes. C’est là que la fédération intervient en proposant des formations, en cernant d’abord les besoins et les demandes de ses membres. »
Un autre exemple de service rendu aux membres et qui illustre bien l’apport « business » de la BFTF : l’audit. Six magasins (deux Magasins du Monde, Chorti, Belvas, Couleur Sud et Ozfair) ont ainsi été audités par un expert extérieur sur leur présentation, leur accessibilité, l’accueil, la capacité à retenir le client, à le fidéliser, etc.
La sensibilisation des consommateurs et la promotion des membres sont une autre mission d’importance de la fédération. Outre des débats, ainsi qu’une présence sur les réseaux sociaux et dans les médias, la BFTF organise, par exemple, la Fête de l’équitable à l’occasion de la Journée mondiale lors de laquelle le public est invité à rencontrer les acteurs du commerce équitable. En 2014, la fête fut organisée à Liège. Les visiteurs purent ainsi déguster – et acheter – des produits équitables, participer à des animations ludiques, assister à un spectacle, une causerie et des concerts, se restaurer, etc.
La crise, déclencheuse d’une prise de conscience collective
Comme pas mal d’acteurs du commerce équitable, la plate-forme est confrontée à des difficultés financières. Certes, elle est subventionnée à 100 % par la Région wallonne et elle emploie deux personnes. Mais pour mener à bien leurs missions, celles-ci sont parfois amenées à faire preuve de débrouillardise. Il n’y a donc pas encore de disponibilité pour entamer un réel travail de lobby auprès des institutions. A défaut, la BFTF relaie auprès de ses membres les nouvelles législations, comme les clauses ESE (environnementales, sociales et éthiques) qui doivent désormais être intégrées dans les appels d’offre pour marchés publics de la Région wallonne.
Comment les deux chevilles ouvrières de la fédération voient-elles l’avenir du commerce équitable ? « On ne verra pas de grand changement radical dans les années à venir, mais le commerce équitable fait son trou petit à petit. Le comportement des gens change », analyse Claire Cambier. « La crise a en effet remis certaines choses à leurs places. Si l’on continue ainsi, on va dans le mur. Quelles sont alors les alternatives ? Parmi celles-ci, il y a le commerce équitable », poursuit Coline Van de Kerckhove. « Mais le commerce équitable ne fonctionne qu’à partir du moment où il y a des consommateurs », conclut la coordinatrice.
Et au Nord ?
Autre source de réflexion et d’inspiration au sein de la fédération : le commerce équitable Nord-Nord. Pour le moment, il ne correspond pas aux critères d’admission de la plate-forme car ceux-ci sont basés sur la définition historique du commerce équitable, c’est-à-dire un commerce Nord-Sud qui, entre autres, fixe un prix minimum garanti et établit une prime destinée à développer la communauté dans laquelle vivent les producteurs. « Mais il est clair qu’il y a une complémentarité au niveau des produits entre le Nord et le Sud », relativise Claire Cambier. La porte n’est donc pas définitivement fermée aux producteurs équitables du Nord.
Parmi les missions externes de la BFTF, il y a l’intégration aux réseaux internationaux. Bien sûr, elle travaille déjà en étroite collaboration avec certains membres de la WFTO (World Fair Trade Organization), la fédération internationale qui soutient un commerce équitable basé sur des « filières » plutôt que sur des produits précis, mais un des souhaits les plus chers des fondateurs et dirigeants de la plate-forme francophone serait de pouvoir accueillir les acteurs flamands du commerce équitable afin que la fédération puisse être représentative de tout le pays.