Asante Bismark holds cocoa beans near his farm in Kyekyewere, Assin South District, Ghana. Asante receives farming weather updates from Farmerline's Mergdata service that help him make decisions on the best time to harvest or dry his cocoa.

Du chocolat Colruyt qui offre un boni aux cacaoculteurs

Ces trois dernières années, Colruyt a mené un projet pilote en Côte d’Ivoire axé sur le revenu vital des producteurs de cacao. Les enseignements ainsi récoltés doivent permettre à la chaîne de supermarchés d’améliorer l’aspect équitable de ses chocolats vendus sous la marque Boni.

Entre juin 2020 et mai 2023, le groupe Colruyt a mené et financé un projet pilote dans la région de San Pedro, en Côte d’Ivoire, dont l’objectif était de passer du concept à la réalité en matière de revenu vital pour les producteurs de cacao. Concrètement, l’enseigne belge s’est engagée à acheter à un prix supérieur à celui du marché 100 tonnes de cacao par an pendant trois ans à deux communautés, Daregba et Colonel, représentant un total de 102 familles d’agriculteurs membres de la coopérative ECSP (Entreprise Coopérative de Saint Paul). Les fèves ont ensuite été utilisées pour produire les tablettes de chocolat 72% vendues par la chaîne de supermarchés sous sa marque propre Boni.

« La politique de base chez Colruyt est que toutes nos tablettes de chocolat doivent être certifiées : Fairtrade pour nos tablettes Boni et Rainforest Alliance pour les tablettes Everyday et les produits en marques privées à base de chocolat », explique Karen Janssens, experte sustainable sourcing pour Colruyt Group. « Mais nous nous sommes rendu compte que les certifications actuelles étaient insuffisantes pour permettre aux producteurs d’atteindre le revenu vital. Nous avons donc lancé un projet pilote axé sur ce thème pour mieux comprendre la chaîne de valeur du cacao, les enjeux qui la traversent, ce qui peut être notre rôle et ce qui ne doit l’être, avant de finalement utiliser ces acquis afin de développer par la suite un autre projet similaire à plus grande échelle. »

Le prix, un paramètre parmi d’autres

L’une des particularités de ce projet mis en place dans le cadre de l’initiative sectorielle Beyond Chocolate, en collaboration avec d’autres acteurs présents tout au long de la chaîne, est de ne pas s’être uniquement concentré sur le seul prix d’achat du cacao, mais également autour de cinq autres paramètres : la productivité, la qualité, la diversification des revenus, l’accès au financement et l’agroforesterie/reboisement.

« Tout au long du projet, diverses interventions ont été mise en place en vue d’augmenter la productivité des parcelles », détaille Karen Janssens. « Un travail a également été réalisé au niveau de la qualité du cacao produit, et ce, au travers des centres de fermentation centralisés mis en place par Puratos directement au sein des communautés et gérés par l’ECSP. Le cacao fraîchement cueilli peut donc désormais y être rapidement acheminé, ce qui permet une fermentation homogène et donc une qualité accrue. Or, pour les agriculteurs du projet, une meilleure qualité est synonyme de meilleur prix sous la forme d’une prime. Notre partenaire Rikolto (une ONG spécialisée dans l’agriculture, NDLR) a travaillé sur l’accès au financement en organisant notamment des Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (AVEC). Les agriculteurs ont également été incités à planter des arbres en échange de bonus, tandis que différents projets de diversification de leurs revenus ont été mis en place comme la culture du manioc, l’élevage de poules pondeuses, etc. Enfin, la responsabilité de payer le living income reference price incombait à Colruyt. »

Pour la période 2021/2022, ce LIRP, c’est-à-dire le prix minimum pour une tonne de cacao bord champ nécessaire pour qu’un foyer puisse subvenir aux besoins de ses membres, était fixé à 2.200 dollars (en Côte d’Ivoire) et il était atteint grâce à la structure de prix suivante payée directement au producteur : un prix bord champ officiel de 1.458 dollars, 122 dollars de prix minimum Fairtrade, 177 dollars de prime qualité, 140 dollars de bonus chocolat et enfin 305 dollars de prime living income Colruyt, véritable spécificité du projet. À noter que depuis sa mise à jour d’octobre 2022, Fairtrade International établit le LIRP à 2.390 dollars par tonne en Côte d’Ivoire.

Échec (ou réussite) partiel

LIRP, productivité accrue, revenus complémentaires… Mis bout à bout, ces différents paramètres devaient permettre aux cacaoculteurs du projet d’atteindre le revenu vital estimé par Fairtrade à 5.437 dollars par an pour un foyer de 8 personnes, en 2022. Un objectif atteint ? « D’un côté, les premiers résultats sont très positifs dans la mesure où les revenus des cacaoculteurs ont augmenté de manière considérable : +38% en ce qui concerne les revenus issus du cacao et +31% au niveau de leurs revenus totaux », se félicite Karen Janssens. « Néanmoins, force est de reconnaitre que malgré nos efforts, leurs revenus n’atteignent toujours que 46% du revenu vital visé pour les agriculteurs de Côte d’Ivoire. »

Parmi les raisons identifiées pour expliquer cet échec partiel, on retrouve notamment le fait que la totalité du cacao produit par les 102 cacaoculteurs au cours de la période du projet n’a pas été revendue via cette filière. Par conséquent, une partie de cette production a donc été écoulée à un prix inférieur au living income reference price. Autre problème identifié : la taille moyenne des parcelles n’était pas suffisante pour atteindre la rentabilité. « Par contre, l’axe de la diversification des revenus s’est montré très prometteur, même si l’on manque encore de données à plus long terme sur ce point. Mais il s’agit clairement d’une piste que nous souhaitons creuser dans le futur. » Car la fin du présent projet pilote marque le commencement d’une nouvelle étape. « Nous avons l’intention d’élargir ce modèle à nos autres tablettes vendues sous marque Boni. Nous planchons là-dessus en ce moment même avec l’objectif que les produits en question apparaissent en rayon dans le courant de 2024. »

– Propos recueillis par Anthony Planus pour le Trade for Development Centre d’Enabel.

Photos:
– Copyright heading: Asante Bismark holds cocoa beans near his farm in Kyekyewere, Assin South District, Ghana. © Mwangi Kirubi
– Légende image : La structure de prix du cacao pour la chaîne de valeur du projet au cours de la période 2021/2022
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