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Transport de marchandises et CO2 : une relation complexe et paradoxale

Face à l’urgence climatique, de plus en plus de consommateurs tentent de limiter leur impact en prêtant notamment attention à l’origine géographique des produits qu’ils achètent, avec comme idée directrice que plus un article provient de loin, plus son transport pollue. Un raisonnement correct… qui ne colle pourtant pas toujours à la réalité complexe, voire paradoxale du fonctionnement de notre économie mondialisée.

Malgré les promesses et les efforts, les concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère ne cessent d’augmenter du fait de l’activité humaine, alimentant ainsi dramatiquement le changement climatique. Les trois principaux GES que sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) ont atteint des sommets en 2020, malgré un recul temporaire des nouvelles émissions suite au ralentissement de l’économie imposé par la pandémie de Covid-19.

« Au rythme où augmentent les concentrations de gaz à effet de serre, l’élévation des températures à la fin du siècle sera bien supérieure aux objectifs de l’accord de Paris, soit 1,5 à 2 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels. Nous sommes très loin du but. Si nous continuons à utiliser les ressources fossiles de manière illimitée, nous pourrions atteindre un réchauffement d’environ 4 degrés d’ici à fin du siècle », a mis en garde le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), Petteri Taalas, peu avant la COP26 qui s’est tenue en novembre dernier à Glasgow. Et pour ne rien arranger, le réchauffement que l’on peut déjà observer aujourd’hui persistera pendant plusieurs décennies, même si les émissions nettes étaient ramenées à zéro rapidement, le CO2 pouvant demeurer dans l’atmosphère pendant des siècles.

Le transport comme coupable

Parmi les activités humaines régulièrement pointées du doigt pour ses émissions de GES figure le transport, de personnes, mais également de l’ensemble des biens et marchandises que nous consommons quotidiennement. Face à l’urgence climatique, de plus en plus rares deviennent ceux à ne pas s’offusquer en voyant des pommes arriver de Nouvelle-Zélande, du bœuf débarquer d’Argentine ou encore du bois belge provenir… de Chine[1].

Le principal grief à l’encontre de ces produits porte bien sûr sur les énormes distances que ces denrées ont dû parcourir pour rallier leur consommateur final. Et ce, alors même que des équivalents plus locaux peuvent leur être trouvés. Il faut dire que le transport de marchandises représente entre 30% et 40% des émissions des gaz à effet de serre du secteur des transports, qui lui-même représente environ 15% des émissions à l’échelle mondiale.

Une part qui grimpe même à environ 25% dans l’Union européenne. Pour rappel, l’UE a pour objectif de réduire d’au moins 55% ses émissions de GES liées aux transports, personnes et marchandises confondues, d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. En 2019, le transport de fret a engendré l’émission de près de 340 millions de tonnes de CO2.

Lorsqu’on s’intéresse à la répartition des émissions de GES selon les différents modes de transport[2], on constate que les camions sont responsables de 53,7% de ces émissions, le transport maritime de 36,6%, l’aviation de 6,5%, les camionnettes de 2,6% et le rail de seulement 0,6%. « En Belgique et en Wallonie, le transport routier représente même entre 80 et 85% des émissions totales », explique Arnaud Zacharie, secrétaire général du Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11) et maître de conférences à l’ULB et l’ULg.

Quelle place dans l’empreinte écologique des produits ?

Voilà pour les chiffres bruts. Mais quelle est finalement la part occupée par le transport dans l’empreinte carbone globale d’un produit ? C’est là que les choses, qui n’étaient déjà pas très simples, se corsent encore un peu plus car on pénètre sur un terrain où tout devient relatif, comme l’explique Arnaud Zacharie en prenant l’exemple du bœuf de Nouvelle-Zélande et de son équivalent brésilien. « Si les deux viandes arrivent à un point de consommation équidistant, leur transport va logiquement émettre la même quantité de gaz à effet de serre, peu importe leur provenance », pose-t-il. « Cependant, si le bœuf néo-zélandais a été élevé dans des pâturages naturels et avec une alimentation qui n’a pas engendré de déforestation, son empreinte écologique globale est très différente de celle d’un bœuf brésilien nourri avec du soja responsable de déforestation massive en Amazonie ». Et paradoxalement, la part du transport occupera donc une place moins importante dans l’empreinte globale de ce dernier.

Un tel trompe-l’œil s’explique par le fait que l’origine d’un bien a beaucoup moins d’impact en matière d’empreinte écologique que son mode de production. La distance demeure bien sûr un facteur, mais un facteur qui peut n’être que minime. « On peut même imaginer que du bœuf provenant de Nouvelle-Zélande, importé par voie maritime et acheminé vers son lieu de consommation par ferroutage ou vélo cargo électrique, dispose d’une empreinte plus faible que son équivalent ‘local’ nourri avec du soja qui a entraîné la déforestation de l’Amazonie et transporté par camion », souligne Arnaud Zacharie. « Il est donc important de relativiser l’impact du transport dans le commerce international sur l’empreinte environnemental des biens consommés. »

Une critique récurrente envers le commerce équitable

Concerné au premier chef par cette problématique, le commerce équitable, dont le fonctionnement repose sur les échanges Nord-Sud, tente de faire connaître davantage cet impact relatif du transport international. « On essaie souvent d’opposer le tout local à l’importation de produits à l’international. C’est un cliché contre lequel nous essayons de nous battre », confirme Patrick Veillard, Fair trade policy advisor chez Oxfam-magasins du monde.

« Le local présente évidemment de nombreux avantages, mais c’est une illusion de croire qu’il sera un jour possible de relocaliser l’ensemble de la production, notamment alimentaire. C’est pour cela que nous tenons à nuancer la question du coût écologique du transport, car c’est une critique qui nous revient souvent. Or, quand on calcule l’empreinte carbone d’un produit via ce qu’on appelle les analyses de cycle de vie, une méthodologie qui couvre le spectre allant des matières premières jusqu’à la fin de vie d’un bien, on constate que le transport constitue une faible, voire très faible part des émissions totales dans la vie d’un produit. Et c’est encore plus vrai en ce qui concerne le transport international. Par exemple, pour un aliment consommé en France, les émissions liées au transport sont de l’ordre de 4%. Et 80% de ces 4% sont générés à l’intérieur du pays de consommation, pour seulement 20% pour le transport international. Mais cela n’empêche bien sûr pas de réaliser des efforts en la matière. »

C’est dans cette optique qu’Oxfam-magasins du monde s’est entre autres lancé, il y a déjà plusieurs années, dans un processus d’analyse de ses produits, avec pour objectif de supprimer toute une série d’articles dont un équivalent pouvait être trouvé en Belgique et pour lesquels une démarche de commerce équitable local pouvait être mise en place.

Patrick Veillard souligne par ailleurs que bon nombre de caractéristiques intrinsèques du commerce équitable plaident par contre en sa faveur au niveau écologique, y compris sous l’angle du transport. « Il s’agit non seulement d’un accélérateur de la transition écologique, dans le sens où il donne les moyens financiers aux petits producteurs, aux travailleurs, aux coopératives d’investir dans cette transition en adoptant des pratiques de type agroécologie, économie circulaire, etc. Mais c’est également une manière de commercer dans laquelle il y a peu d’intermédiaires et pas de fragmentation des chaînes de valeurs, au contraire du commerce conventionnel. »

Du café en vrac moins écologique qu’en sachets

Pierre-Yves Orban est le cofondateur et le directeur des nouvelles technologies (CTO) de Javry, une entreprise bruxelloise qui propose à la vente un café qui se veut durable, tant au niveau de l’humain que de l’environnement. Peu avant la crise sanitaire, sa société s’est lancée dans l’élaboration d’un bilan carbone complet, un travail d’objectivation qui a malheureusement été mis en pause suite à l’impact massif du covid. De premiers enseignements peuvent toutefois être tirés du travail déjà réalisé. En analysant le parcours complet d’un café conventionnel[3], de la ferme à la poubelle en passant par la tasse, on constate que le transport international du café vert ne représente que 5% des émissions totales. « Il est intéressant de noter que c’est surtout la consommation, c’est-à-dire la préparation d’une tasse de café, qui représente la plus grosse part de l’empreinte carbone », pointe Pierre-Yves Orban. Une part qui est même encore plus grande que celle de la production, et qui variera par ailleurs selon l’appareil utilisé, une cafetière italienne classique entraînant moins d’émissions qu’une machine expresso automatique par exemple.

À cela il faut toutefois encore ajouter le transport qui se cache tout au long des différentes étapes qui ont lieu dans la région de destination du café vert (torréfaction, emballage, distribution…). « Mais tout dépendra des hypothèses qui sont prises en compte », souligne le CTO de Javry. « Par exemple, si un consommateur est situé en France et qu’il y a 500 kilomètres à parcourir pour lui amener son café, le bilan sera forcément différent par rapport à un autre qui se situe proche du lieu de distribution. »

Le chemin du café jusqu’a dans notre tasse

Pierre-Yves Orban : « Le parcours réalisé par notre café est assez simple. Généralement, un petit producteur va récolter ses cerises de café avant de les apporter à la coopérative dont il fait partie. A priori par camion, via un transporteur qui fait le tour des petites exploitations. Là, les cerises sont traitées pour en faire du café vert que nous achetons. De la coopérative, les sacs de 50 à 60 kilos sont envoyés par camion au port le plus proche, où ils sont placés dans des conteneurs et chargés sur un bateau cargo. Le café arrive en Europe, au Havre en ce qui nous concerne, où il est stocké, puis livré par camion à l’atelier de torréfaction avec lequel nous collaborons et qui est situé à Bièvre. Là-bas, le café est une nouvelle fois stocké avant d’être torréfié, empaqueté et livré par camion ou camionnette dans nos installations bruxelloises. Enfin, les commandes de nos clients sont livrées par Bpost ou Shippr. Pour les gros acteurs du secteur, le café fait grosso modo le même trajet, sauf qu’il passe par beaucoup plus de mains différentes avant d’arriver dans la région de torréfaction et de consommation. C’est d’ailleurs ce qui rend la traçabilité difficile à établir quant à l’origine exacte du café des grands groupes. »

Pour illustrer encore un peu mieux la complexité qu’il peut y avoir à établir la part exacte du transport dans l’empreinte carbone d’un produit, Pierre-Yves Orban prend l’exemple de la livraison du café Javry en vrac, dans des futs de 5, 10 ou 20 kilos. « Une solution qui a, semble-t-il, du sens en terme d’émissions, sachant qu’il faut tout de même livrer les futs, les récupérer vides, les nettoyer, les renvoyer, etc. Et bien, nous nous sommes rendus compte que nous devions non seulement utiliser nos futs un grand nombre de fois avant que cette solution ne soit véritablement intéressante d’un point de vue écologique, mais surtout que la distance à parcourir avait un impact déterminant. Au final, cette solution n’a du sens que pour nos clients situés à proximité de nos installations à Bruxelles, et beaucoup moins pour ceux qui sont plus éloignés. Tout cela à cause du trajet de retour des futs vides. En termes d’émissions, il est donc moins écologique de fournir certains de nos clients avec du café en vrac que de le leur envoyer déjà en sachet… »

Quelles alternatives ?

Si ce dernier exemple illustre bien les calculs complexes à réaliser pour parvenir à diminuer de façon effective l’empreinte carbone des marchandises et l’importance de disposer d’une logistique écoresponsable (nous y reviendrons), il souligne également l’importance de pouvoir disposer d’alternatives de transport moins émettrices de GES. Au niveau routier, l’électrification est en marche et constitue une solution concrète à court terme pour remplacer les camionnettes à moteur thermique par des équivalents électriques, voire des vélos cargos. Ces derniers se font progressivement une place dans le secteur, principalement dans les villes vu leur autonomie et vitesse limitée. « Pour certains de nos clients, nous commençons à remplacer les livraisons classiques en camionnette par des livraisons en vélo cargo électrique », confirme Pierre-Yves Orban, qui précise que 10 à 20% des livraisons de Javry se font déjà en deux roues. « Nous essayons de pousser de plus en plus vers cette solution dès que la commande est financièrement viable. Pour les petits volumes, notamment nos clients particuliers, c’est pour le moment injouable au niveau du coût. » Concernant les poids lourds, une solution est par contre plus lointaine. On retrouve ici également l’électrification comme piste sérieuse, mais aussi l’hydrogène vert, que ce soit via une pile à combustible ou un moteur à combustion.

L’hydrogène, on le retrouve également dans les pistes qui visent à verdir le transport maritime, voire aérien à (très) long terme… Toutefois, ce gaz ‘propre’ ne fait toujours pas l’unanimité, notamment en raison de son coût, de son stockage ou de son rendement énergétique. Enfin, d’autres projets de bateaux cargos fonctionnant au gaz, voire à l’ammoniac vert existent par ailleurs. Sans oublier l’option des e-carburants, produits à partir d’électricité renouvelable, qui pourraient potentiellement avoir des applications dans de nombreux secteurs.

Sur mer toujours, les voiliers cargos (re)commencent également à avoir le vent en poupe, même si à l’heure actuelle il convient de parler d’un phénomène marginal. Des projets en ce sens commencent néanmoins à prendre forme aux Pays-Bas ou en Bretagne notamment, et certaines entreprises se sont déjà laissé séduire. C’est le cas de Javry, qui en 2020 a importé pour la première fois du café de Colombie à la seule force du vent. « Pour l’instant, il s’agit plutôt de transport ‘one-shot’ parce qu’il n’y a pas encore de bateaux dotés d’une capacité suffisante pour transporter de grosses quantités de café », explique Pierre-Yves Orban. « Mais la société néerlandaise avec laquelle nous avons collaboré planche sur la construction d’un voilier cargo d’une capacité de 125 tonnes d’ici 2025.

Avec ce genre de navire, on pourra diminuer le coût du transport et arriver à des tarifs qui deviendront acceptables pour le consommateur et qui seront compétitifs par rapport au transport traditionnel. » La fréquence des trajets devra par ailleurs également être augmentée puisque le temps de trajet est environ trois fois plus long, souligne le CTO de Javry, qui n’en demeure pas moins convaincu par ce moyen de transport alternatif à l’avenir.

Les produits neutres en carbone sont-ils une solution ?

Depuis environ deux ans, on a vu apparaître de plus en plus de produits dits ‘neutre en carbone’. L’idée derrière cette appellation est de compenser les émissions générées tout au long de la chaîne de production en soutenant des initiatives qui, elles, cherchent à réduire les émissions, comme la plantation d’arbres.

« Nous nous sommes posés la question », explique Pierre-Yves Orban (Javry). « Mais actuellement, nous sommes plutôt dans l’optique de faire des efforts afin de diminuer nos émissions de GES plutôt que de les compenser. C’est pour cela que nous avons ce projet de transport à la voile, des packagings biosourcés, la livraison en vélos cargos, etc. Mais le jour où nous ne parviendrons plus à réduire notre empreinte, alors il sera temps de penser à compenser via des projets qui correspondent à nos valeurs et qui ont du sens à nos yeux. Pour le moment, le concept de neutralité carbone est tellement utilisé à des fins de marketing que cela ne nous donne absolument pas envie de nous investir là-dedans. »

« Le concept de neutralité carbone est à géométrie variable. Cela peut être quelque chose de vertueux, mais cela peut également être la porte ouverte au greenwashing », confirme Arnaud Zacharie (CNCD 11.11.11). « Si l’on considère la neutralité carbone comme les émissions émises moins celles qui sont absorbées de manière naturelle par les sols et les océans, c’est une définition qui est valable. Mais si par neutralité carbone, on entend pouvoir polluer sans scrupule parce qu’à côté de cela on va calculer l’impact positif d’actions que l’on mène par ailleurs, alors on est dans le greenwashing », estime-t-il. « Sans oublier que le concept de compensation n’est absolument pas généralisable ou réplicable à l’échelle de l’économie mondiale. »

« La solution est connue depuis 20 ans »

Mais au-delà des progrès techniques et technologiques, dont beaucoup restent à l’heure actuelle hypothétiques, Arnaud Zacharie souligne que la plus importante des ‘innovations’ serait déjà d’appliquer le ‘shift modal’, c’est-à-dire la modification des parts de marché des différents modes de transport. En l’occurrence au détriment du transport routier, aérien et maritime au profit du ferroviaire et du fluvial. « C’est LA solution structurelle », affirme-t-il. « Mais ce qui est inquiétant, c’est que cette solution est connue et proposée depuis 20 ans… Mais dans les faits, le dumping social dans le transport routier étant ce qu’il est, ce dernier a continué à se développer au lieu de décroître. Le transport des marchandises constituant une part des coûts des biens, les entreprises cherchent logiquement à réduire ces frais. Sans parler du fait que le transport aérien ne dispose, lui, d’aucune tarification carbone, tout comme le transport maritime d’ailleurs.

Dans son Green Deal, la Commission européenne propose d’élargir la tarification carbone à ce type de transport, mais tout cela doit encore être finalisé. » En d’autres termes, en l’état actuel des choses, les deux moyens de transport qui sont à privilégier selon le shift modal sont les seuls à ne pas bénéficier d’avantages concurrentiels par rapport aux autres… « Quand des pratiques vertueuses deviennent non rentables au contraire de pratiques qui s’avèrent néfastes, c’est qu’il y a un problème. Et il appartient aux pouvoirs publics d’appliquer des normes pour changer cela. Sinon la transition ne verra tout simplement jamais le jour, avec à la clé des changements climatiques qui coûteront très cher à tout le monde. »

Une autre ‘innovation’ qui pourrait avoir un fort impact sur les émissions de GES liées au transport des marchandises concerne la logistique, des entreprises et des voies de communication. « Sachant que ces sont les derniers kilomètres qui coûtent le plus cher d’un point de vue environnemental, parce que la plupart du temps réalisés en camion ou camionnette et peu efficients, le lieu où s’installent les entreprises, à proximité de voies ferrées ou d’un port par exemple, peut limiter très fortement les besoins en transport routier. De la même manière, si des systèmes de ferroutage se développent entre les villes, cela va également faciliter un transport de marchandises plus respectueux de l’environnement. Mais bien sûr, il reste l’éléphant au milieu de la pièce : la question du coût. Et c’est souvent ce que les entreprises regardent en premier lieu. »

Le boom de l’e-commerce

L’importance de cet aspect logistique est d’autant plus grande que l’on assiste actuellement à un véritable boom de l’e-commerce, avec à la clé toujours plus de livraisons à domicile, autrement dit de ces fameux derniers kilomètres. Or Arnaud Zacharie insiste, il est très important de ne pas transporter davantage de marchandises que ce que nous faisons déjà aujourd’hui. « On peut réduire l’empreinte écologique de certains modes de transport. Mais si cette baisse est compensée par l’augmentation de la quantité, alors les émissions totales ne diminueront pas. En d’autres termes, on aura beau réduire l’empreinte écologique du transport routier avec des véhicules électriques ou à hydrogène moins polluants, si dans le même temps l’aérien explose de 25%, on n’aura rien gagné. C’est pour cela qu’il faut avoir une vision holistique de la situation, pour ne pas s’améliorer à droite et aggraver les choses à gauche pour finalement rester dans le statu quo. »

À ce titre, un avantage indirect de la sortie des énergies fossiles, souligne-t-il, serait de faire baisser mécaniquement la quantité de marchandises transportées puisque ce serait autant de pétrole, de gaz ou d’essence qui ne doivent plus être livrés aux quatre coins du monde.

« L’e-commerce génère en moyenne moins d’émissions de CO2 par produit… quand celui-ci n’est pas retourné. Le problème, c’est que jusqu’à 50% des articles sont renvoyés », déplore Patrick Veillard. « Il y a une sorte de facilité ou d’habitude qui s’est installée chez le consommateur à faire venir un produit, l’essayer et régulièrement le renvoyer par la suite. C’est là que l’on voit peut-être l’importance de la qualité des produits et du taux de satisfaction des acheteurs. » Dans cette optique, le conseiller d’Oxfam-magasins du monde veut croire que le jour où les organisations de commerce équitable se lanceront pleinement dans le commerce électronique, les retours seront moins nombreux.

« Il y a des débats en interne sur l’e-commerce et sur la question de savoir si on doit se lancer ou non. À mon sens, il s’agit d’un redéploiement quasi obligé si l’on veut survire. Nous nous devons de garder un équilibre financier si nous voulons poursuivre notre objet social qui est d’aider nos partenaires en leur passant des commandes. Mais le jour où nous nous lancerons, ce sera en respectant nos valeurs et en conservant les principes du commerce équitable le plus strictement possible. »

Et Arnaud Zacharie de conclure : « Le rêve serait de pouvoir faire de l’e-commerce avec des produits pour lesquels le consommateur dispose de la garantie qu’ils sont durables, que leur livraison puisse se faire via des moyens de transport peu ou pas polluants, vers des points de collecte facilement accessibles à pied ou en transports en commun. Là nous aurions un commerce électronique véritablement au service de la transition énergétique. Mais pour cela, il faudrait que les pouvoirs publics apportent leur soutien face aux producteurs et aux géants comme Amazon ou Alibaba afin de garantir aux consommateurs la possibilité de poser un choix vertueux. »

Anthony Planus, pour le Trade for Development Centre d’Enabel.
[1] https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_du-bois-wallon-achete-par-la-chine-et-revendu-en-belgique-la-filiere-bois-s-inquiete-pour-ses-emplois?id=10861249
[2] https://www.rtbf.be/info/dossier/cop26/detail_cop26-reduire-l-impact-environnemental-du-transport-de-marchandises-un-probleme-complexe-qui-implique-toute-la-societe?id=10875590
[3]https://www.researchgate.net/publication/269419801_A_bitter_cup_climate_change_profile_of_global_production_of_Arabica_and_Robusta_coffee
Photos
– Imorted – Tom Driggers
– Train routier– SHPhotography
– Oxfam-Magasins du monde a remplacé son jus de pomme du Chili par du jus de pomme belge
– Espresso – Michael Dernbach
– Le café vert Ecosierra de Javry a traversé l’Atlantique à bord de la goélette “De Gallant” en mai 2020 – TOWT

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