Cosemtica_Marco Verch

Les cosmétiques sous la loupe

Si vous surfez sur le site web de grandes marques de cosmétiques, vous remarquerez la prolifération des termes « planète » et « durabilité ». De toute évidence, après les nombreux remous suscités ces dernières années par le recours à l’expérimentation animale, la présence de substances toxiques et de microplastiques dans les produits, et le manque de transparence, l’industrie met tout en œuvre pour préserver la confiance des consommateurs. De nombreuses marques de cosmétiques aiment donc arborer les mots “naturel” ou “biologique” sur leurs emballages. Malheureusement, il y a beaucoup de « greenwashing » et ces termes prêtent à confusion. Mais il y a aussi des marques qui se tournent résolument vers le commerce équitable !

Secteur des cosmétiques

Les cosmétiques sont le nom collectif de tous les produits pour la peau, les cheveux, les ongles, les lèvres ou les dents : savon, shampooings et dentifrice, maquillage et déodorants, produits antirides et crèmes solaires. Selon les chiffres de Cosmetics Europe, le secteur représentait, en 2018, 78 milliards d’euros de chiffre d’affaires, ce qui fait de l’Europe le plus grand marché du monde. En termes de main-d’œuvre, cela équivaut à 2 millions d’emplois directs et indirects. Les produits sont vendus tant dans les pharmacies que les commerces de détail ou dans des enseignes spécialisées (Yves Rocher, L’Occitane, Body Shop…). De plus, dans ce secteur aussi, l’e-commerce est en plein essor.    

Un rapport de l’Agence belge du commerce extérieur souligne l’importance du secteur des cosmétiques pour la Belgique. Comme nous disposons d’un pôle chimique de classe mondiale dans le port d’Anvers, nous sommes un marché test idéal pour les produits cosmétiques. La recherche et l’innovation figurent donc en bonne place dans l’agenda de nombreuses petites et grandes entreprises implantées sur le territoire belge.

Non testés sur les animaux ou végans

Depuis 2005, l’expérimentation animale en cosmétologie est interdite en Belgique. Au niveau européen, une interdiction similaire a été mise en place en 2013, tant pour les tests sur les produits finis que sur les différents ingrédients. Au sein des Nations Unies, l’Union européenne milite entretemps en faveur d’une interdiction mondiale, mais nous n’en sommes pas encore là, tant s’en faut.

Toutefois, la loi ne peut garantir totalement que des tests sur animaux ne sont pas réalisés en dehors de l’Europe. À cela s’ajoute le cas de la Chine : pour pouvoir vendre leurs produits sur le marché chinois, les marques de cosmétiques doivent remettre des échantillons aux autorités chinoises ; or, avant de les déclarer sûrs, celles-ci les testent sur des animaux. Les entreprises qui vendent leurs produits en Chine ne peuvent donc pas se targuer de bannir toute expérimentation animale.

Au fil des ans, les organisations de défense des droits des animaux ont régulièrement dénoncé et attaqué les entreprises cosmétiques, mais elles leur ont également tendu la main en mettant en place des labels « non testés sur les animaux » tels que le programme Beauty without Bunnies de la PETA ou Leaping Bunny de Cruelty Free International. Un nombre croissant de consommatrices ne se contentent pourtant plus d’un label affublé d’un petit lapin sur l’emballage de leur maquillage, mais optent pour des produits végans, sans ingrédients d’origine animale, ce qui signifie par exemple aussi exempts de cire d’abeille. Cette minorité de militantes exerce une forte pression sur le secteur et le terme « végan » fleurit de plus en plus souvent sur les étiquettes. Des sites web tels que Shop like you give a damn ou Sustainable Jungle aident les consommatrices à repérer les marques qui se dépensent pour trouver des alternatives végétales ou synthétiques.

De nombreuses substances toxiques

Au sein de l’Union européenne, la composition des produits cosmétiques est réglementée par le règlement 1223/2009. Celui-ci contient entre autres une liste des substances interdites, une liste de substances qui peuvent être utilisées de manière restreinte des substances restreintes, et des listes des colorants, des conservateurs et des filtres UV admis. En outre, la composition d’un produit cosmétique doit être indiquée de manière assez détaillée sur l’emballage. La différence avec la situation aux États-Unis est considérable. Les normes en matière de cosmétiques n’y ont pratiquement pas évolué  en 80 ans et seules 11 substances chimiques y sont interdites, contre 1.328 en Europe.

Les discussions scientifiques sur la toxicité des produits cosmétiques portent généralement sur le risque de cancer, les lésions nerveuses et les effets sur la fertilité. Un débat très animé est par exemple celui sur l’utilisation des parabènes, que certains scientifiques associent au cancer du sein. Courants dans les produits parfumés, les phtalates – utilisés comme plastifiants pour le PVC – ont de leur côté été associés à l’apparition précoce de la puberté chez les filles et aux cancers hormonaux-dépendants. Un certain nombre de ces phtalates ont dès lors été interdits par l’UE.

Par ailleurs, bon nombre de parfums synthétiques sont des « secrets d’usine », de sorte que la composition correcte n’en est pas connue. D’après des études, certains ingrédients provoqueraient des perturbations endocriniennes et des atteintes du système immunitaire. 

Source: https://www.ethicalconsumer.org/health-beauty/toxic-beauty

Microplastiques

De nombreux produits cosmétiques se composent principalement d’eau et d’huile. Côté « huile », il s’agit souvent de pétrole ou de substances dérivées, telles que des silicones. Des géants de la chimie tels que BASF et Bayer disposent de divisions distinctes pour produire des matières premières à destination de l’industrie cosmétique à partir de résidus de la chaîne pétrolière. Un inconvénient avéré de ces substances à base de pétrole est leur faible taux de biodégradabilité. À celui-ci s’ajoute aussi le problème des microplastiques, que les scientifiques cernent de mieux en mieux.

Les « microbilles » sont de petits granulés de plastique qui, pendant des années, ont été utilisés comme exfoliant dans les gels douche ou les dentifrices, et qui se retrouvaient dans les rivières et les mers via le réseau d’égouts. Selon Cosmetics Europe, l’industrie a réduit l’utilisation des microplastiques de 97 % depuis 2012. Cependant, la campagne Beat the Microbead de la Plastic Soup Foundation souligne que le danger ne réside pas seulement dans les minuscules granulés, mais que les polymères liquides peuvent avoir le même effet. Elle dénonce le fait que « dans la législation européenne sur les cosmétiques, la plus « stricte » au monde, le respect de l’environnement et la biodégradabilité ne sont malheureusement pas des critères d’octroi de l’autorisation de mise sur le marché ». En outre, les méthodes de mesure des microplastiques sont encore en cours de développement et le comportement des plus petites nanoparticules n’est pas encore exactement connu à ce jour. Et même lorsque l’eau est filtrée dans des stations d’épuration – ce qui, soyons clairs, n’est pas le cas dans la plupart des pays – il ne s’avère pas possible d’éliminer toutes les particules de plastique.

Le site web de Beat the Microbead met à disposition des listes de substances à risque, ainsi que de marques de cosmétiques qui garantissent des produits à 100 % sans microplastiques.

Un manque de transparence

En 2018, l’entreprise spécialisée dans l’évaluation des risques Maplecroft a publié un rapport sur l’industrie cosmétique. Elle y a conclu que l’extraction ou l’exploitation de nombreuses matières premières présente des risques écologiques ou sociaux, susceptibles de nuire à l’image du secteur. Couramment utilisés dans les crèmes pour le visage et le corps le beurre de cacao  et la vanille sont par exemple régulièrement associés au travail des enfants. La cire de carnauba et la cire de candelilla, ingrédients de base de nombreux mascaras, sont, quant à elles, liées à des violations des droits du travail respectivement au Brésil et au Mexique. D’autre part, l’huile de palme est, elle, responsable de la déforestation massive en Malaisie et en Indonésie. D’après les estimations, quelque 20 % de la production d’huile de palme aboutissent dans les cosmétiques. Et le mica, un minéral qui confère un aspect scintillant et qui permet d’ajouter des pigments au rouge à lèvres, est mis en rapport avec des allégations persistantes de travail forcé et de travail des enfants en Inde. Une entreprise telle que Lush a donc décidé de supprimer le mica naturel de sa chaîne d’approvisionnement… même si force lui a été d’admettre par la suite qu’il était impossible de garantir que la production des nombreux pigments fournis par les fournisseurs externes ne recourait pas au travail d’enfants.

L’exemple de Lush met immédiatement en évidence le manque de transparence dans les filières comptant souvent d’innombrables ingrédients. Qui plus est, la décision d’interdire un ingrédient particulier peut avoir de lourdes conséquences pour les petits producteurs du Sud. Réaliser une cartographie de leurs chaînes d’approvisionnement tout en faisant preuve de la prudence requise constitue le défi que doivent relever de nombreuses entreprises. Pour un certain nombre de produits agricoles tels que le cacao ou la vanille, il est possible de s’en tenir aux labels existants (Fairtrade, UTZ, Rainforest Alliance), mais des entreprises comme Unilever ou L’Oréal choisissent une voie différente et créent leurs propres « codes durables » pour convaincre les consommateurs et consommatrices de leurs bonnes intentions.  

Et le rapport de conclure : « Le comportement de consommation éthique connaît un succès croissant chez la génération Y et n’est pas près de disparaître. Les marques feraient donc mieux d’en prendre de la graine. »

Naturels et biologiques

Quantité de produits cosmétiques pénètrent par la peau dans notre corps ou finissent dans la mer via les eaux usées. À mesure que la sensibilisation à la santé et à l’environnement gagne du terrain, les marques sont de plus en plus nombreuses à se profiler, ainsi que leurs produits, comme étant « naturels » ou « biologiques ». Mais ces termes prêtent à confusion.

Un fabricant peut utiliser le mot « naturel » dès qu’1 % des ingrédients est d’origine naturelle et donc non synthétique. Le consommateur doit donc lui-même découvrir sur l’étiquette quelles sont les substances non naturelles présentes dans le produit. Mais à moins d’être chimiste, les listes d’ingrédients sont plutôt ésotériques.

Le terme « bio » ou « biologique », de son côté, est un concept protégé, mais à cet égard aussi, il règne une grande confusion. La législation européenne sur l’agriculture biologique protège uniquement les produits alimentaires. Dès lors, un fabricant peut apposer la mention « bio » sur l’emballage d’un produit cosmétique sitôt que celui-ci contient une infime quantité d’un ingrédient issu de la culture biologique.

C’est pourquoi, en tant que consommateur, vous avez davantage intérêt à faire confiance à deux labels privés, à savoir Cosmos et NaTrue.

 

Né d’une collaboration entre toute une série d’entreprises et de labels, le programme de certification Cosmos a établi des normes distinctes pour les produits « natural » (contenant des produits naturels) et « organic » (contenant des produits biologiques certifiés).

NaTrue est, quant à elle, une association fondée par plusieurs marques allemandes et suisses (Logona, Weleda, Dr Hauschka) qui définit trois sous-catégories : cosmétique naturelle, naturelle avec une portion de bio, et totalement bio.

Mais un problème supplémentaire se pose : l’évolution rapide vers le « naturel » ou le « biologique » requiert une augmentation de la production de ces ingrédients. L’huile de palme est l’exemple le plus parlant d’une exploitation non durable d’un produit entièrement naturel. Et, pour produire une goutte d’huile de rose, il faut environ 200 roses. Est-ce donc une si bonne idée d’utiliser les rares terres agricoles pour produire un parfum ? La durabilité des cosmétiques ne passe-t-elle dès lors pas surtout par une réduction de la quantité de cosmétiques ?

Le site web Rank a Brand a publié une analyse de la durabilité de plus de 100 marques de cosmétiques. Celle-ci révèle l’énorme greenwashing existant dans le secteur, c’est-à-dire des entreprises qui se prétendent plus vertes qu’elles ne le sont en réalité.

Des cosmétiques équitables

Comme quantité d’ingrédients utilisés en cosmétologie proviennent du Sud, un certain nombre d’entreprises se sont engagées, au fil des ans, à fonder leurs relations avec les producteurs sur les principes du commerce équitable. 

Un exemple bien connu est celui de Lush, une entreprise britannique au profil de durabilité élevé qui collabore par exemple avec des coopératives certifiées Fairtrade en Colombie et en République dominicaine pour son beurre de cacao.

Un autre ingrédient fréquemment utilisé est le beurre de karité, une substance grasse de couleur crème fabriquée à partir des noix du karité, appelé également « l’arbre à beurre », dans les régions de savane en Afrique occidentale et centrale. Le secteur des cosmétiques a aujourd’hui en effet pleinement compris ce que les populations locales savent depuis des siècles : que la graisse est une bénédiction pour la peau. L’entreprise française Karethic est un bel exemple de collaboration à long terme avec des groupes de femmes dans le nord du Bénin. Quant à sa compatriote L’Occitane, elle travaille depuis plus de 30 ans avec différentes coopératives partenaires au Burkina Faso, tout en adoptant le même mode de travail durable pour les cultivateurs et cueilleurs français d’immortelles, de lavande ou d’amandes. D’ici 2025, elles entendent pratiquer un commerce équitable avec tous ces producteurs. Un autre exemple, à plus petite échelle, est l’atelier familial wallon Kari’T care fondé par un couple belgo-béninois. Son assortiment de produits de soin et de savons à froid est fabriqué avec du pur beurre de karité fourni par la coopérative béninoise Soudom. 

Autre exemple encore : l’arganier, une des espèces d’arbres les plus anciennes, qui ne croît que dans le Sud-ouest marocain. Les noyaux de ses fruits sont pressés pour en extraire une huile riche en substances médicinales, ce qui lui a valu d’être considéré comme « l’or marocain ». L’industrie cosmétique a elle aussi découvert l’huile d’argan, à l’instar de la marque italienne Esprit Equo, un des nombreux exemples de collaboration avec des coopératives marocaines dans le respect des principes du commerce équitable. En 2011, la coopérative de femmes Tighanimine a été le premier producteur d’huile d’argan à décrocher la certification Fairtrade avec l’appui du Trade for Development Centre, ce qui lui a rapidement valu de nouveaux clients. Cela a non seulement augmenté les revenus des femmes, mais, grâce à la coopérative, elles ont par exemple aussi appris à lire et à écrire.

Les Magasins du monde-Oxfam commercialisent deux lignes de cosmétiques : Natyr bio et Senzia bio.

Dès 2004, l’entreprise italienne Gala Cosmetici s’est associée avec l’organisation italienne de commerce équitable AltroMercato pour produire un assortiment équitable baptisé Natyr bio. Ses produits sont fabriqués à base d’ingrédients naturels en provenance du Sud, comme de l’aloe vera de Thaïlande, du thé vert du Sri Lanka, des citrons de Cuba, de l’huile d’argan du Maroc et du beurre de karité du Burkina Faso. Depuis 2010, Gala est une entreprise certifiée éthique selon les normes de Natrue.

Une inspiration similaire est à l’origine de la gamme Senzia bio produite par Oxfam Intermon en Espagne. Un petit laboratoire des environs d’Alicante transforme des produits bios et équitables provenant, entre autres, du Mexique (aloe vera), du Maroc (huile d’argan), du Burkina Faso (karité), du Ghana (huile de baobab), de la Tanzanie (huile de moringa), du Lesotho (roses musquées) et du Sri Lanka (huile de noix de coco). Tous ses produits sont labellisés Natrue.  

En 2005, la campagne ‘Make poverty history’ lancée par Oxfam a inspiré un petit groupe de personnes qui ont lancé, cinq ans plus tard, un assortiment de crèmes pour les mains, de baumes à lèvres et de préservatifs sous l’appellation Fair Squared. Installée en Allemagne depuis 2013, l’entreprise commercialise aujourd’hui quelque 80 produits dont les ingrédients sont fournis par plus de 15 producteurs certifiés Fairtrade. Il s’agit notamment d’huile d’olive de la Palestine et du Liban, d’huile d’amande du Pakistan, de beurre de karité du Ghana, de thé vert, d’huile de noix de coco et de latex naturel de l’Inde, de citrons verts du Brésil et de beurre de cacao de la République dominicaine.

De même, la société allemande de cosmétiques Ada propose une gamme de produits certifiés Fairtrade, baptisée FAIR CosmEthics, qui intègre, notamment, de la canne à sucre et de l’huile de noix du Brésil.

Entreprise française spécialisée dans les plantes aromatiques et médicinales ainsi que les huiles essentielles, Nateva, pour sa part, entretient des relations sous-tendues par les principes du commerce équitable avec ses cultivateurs et cueilleurs, tant en France, dans son département de la Drôme, qu’au Congo, au Népal ou encore en Ouganda. Ainsi, dans le district d’Ituri, dans l’est du Congo, elle a mis en place le projet Avituri, qui implique une communauté entière dans la culture des géraniums. Certifié par IMO (Fair for Life), le projet a bénéficié dans le passé de l’appui du Trade for Development Centre.     

Pour info : cette liste d’initiatives de commerce équitable dans le secteur des cosmétiques n’a pas la prétention d’être exhaustive. 

Photos
En-tête : Marco Verch
1. Présentation d’une pétition contre l’expérimentation animale au Parlement européen par la Coalition européenne pour mettre fin aux expérimentations animales en 2012 – crédit : Coalition européenne pour mettre fin aux expérimentations animales (ECEAE)
2. Microplastiques – Bo Eide
3. Luxuriant – Charlotta Takkula
4. Les producteurs marocains de la coopérative Tighanimine récoltent des noix d’argan – E. De Mildt pour le TDC
5. Huile d’argan équitable produite par Tighanimine – E. De Mildt pour le TDC

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