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Quand cacao rime avec durabilité… État des lieux

Pointés du doigt suite au scandale du travail d’enfants et aux très faibles prix payés aux producteurs, les grandes entreprises du secteur du cacao et du chocolat ont pris des initiatives pour améliorer la durabilité de l’industrie. Qu’en est-il aujourd’hui, surtout après une forte diminution l’an dernier du prix du cacao sur le marché mondial ?

Par ailleurs, en dépit de ces conditions de marché difficiles, des coopératives optent résolument pour une production durable. Vingt d’entre elles bénéficient d’un appui du Trade for Development Centre (TDC). Afin de mettre en lumière leur travail, nous nous sommes rendus non seulement au Ghana et en Côte d’Ivoire, mais aussi en Bolivie et au Vietnam.

Partie 1 : Inquiétudes au pays du cacao

L’offre et la demande

« Savourez votre chocolat : il sera impayable dans cinq ans ! », titraient les journaux en 2014, alors que de grands fabricants de chocolat, comme Mars et Barry Callebaut, prévoyaient une pénurie de cacao d’ici 2020. Un constat que l’ICCO, l’Organisation internationale du cacao, a d’emblée qualifié de « conclusions prématurées ». « Ces dernières années ont été caractérisées par une alternance entre excédents et pénuries, en fonction des récoltes en Afrique de l’Ouest, et nous ne nous attendons pas à une amélioration de la situation à l’avenir. » Ces querelles n’ont cependant eu que peu d’effet sur le marché. Mû par une logique économique de demande en légère croissance et de fluctuations limitées de l’offre, le prix du cacao sur le marché mondial a poursuivi sa lente ascension.

Jusqu’à la fin de 2016. Des conditions climatiques favorables, associées à des vents modérés en provenance du désert, ont alors contribué à une hausse considérable de la production en Côte d’Ivoire et au Ghana. Tout à coup, l’offre a nettement dépassé la demande et les mécanismes du marché ont fait chuter, à la mi-2017, les prix sur le marché mondial de plus de 33 % pour atteindre leur plus bas niveau en huit ans.

Un prix plus bas sur le marché mondial a immanquablement des répercussions pour les cacaoculteurs. Tant la Côte d’Ivoire que le Ghana comptent des organismes publics qui leur garantissent un prix minimum. Mais, au début de la récolte en mars 2017, la Côte d’Ivoire a annoncé qu’elle était tenue de réduire le prix minimum accordé aux producteurs, le faisant passer de 1.100 à 700 francs CFA le kilo (1,06 €), soit une baisse de 30 %. Pour sa part, le Ghana a décidé de maintenir son prix garanti, mais le pays a déclaré avoir déjà perdu plus de 1 milliard de dollars de recettes d’exportation. Reste à savoir combien de temps le Trésor public pourra résorber cet écart entre le marché et les agriculteurs. Nombre de projets planifiés, comme la réalisation de routes dans les régions cacaoyères, ont déjà été mis en suspens. L’achat des récoltes a même dû être légèrement différé faute d’argent. Qui plus est, la contrebande de cacao de la Côte d’Ivoire vers le Ghana a connu une énorme progression.

Une augmentation des prix n’est pas en vue dans l’immédiat, étant donné que, cette année aussi, les conditions climatiques ont été favorables.

Quelques chiffres

  • 3,5 millions environ de tonnes de cacao sont produites chaque année dans une trentaine de pays.
  • Quelque 60 % de cette production proviennent de deux États d’Afrique de l’Ouest : la Côte d’Ivoire et le Ghana.
  • 5 à 6 millions de petites entreprises familiales assurent la production mondiale.
  • Une poignée de grands industriels monopolise le négoce, ainsi que le broyage et la transformation des fèves de cacao (OLAM, Cargill, ADM, Barry Callebaut).
  • Quelque 90 % de la production de chocolat sont principalement aux mains de cinq acteurs : Mars, Mondelez International, Nestlé, Hershey et Ferrero.
  • 6,6 % à peine des recettes générées atterrissent dans la poche des cacaoculteurs. 7,6 % vont aux transformateurs de cacao, 35,2 % aux chocolatiers et 44,2 % à la grande distribution.
    Source : Dedicated 2016 et VOICE 2015

Des rémunérations bien en dessous du seuil de pauvreté

Nul ne peut nier qu’il existe une constante dans toute cette histoire de fluctuation de prix : la misère dans laquelle vivent des millions de producteurs et leurs familles. Dans son « Baromètre du cacao 2015 », VOICE, une coalition d’ONG, a calculé qu’un cultivateur ivoirien devrait gagner quatre fois plus pour atteindre le seuil de pauvreté de 2 dollars par jour.

Selon une étude commanditée par Barry Callebaut et l’Agence française de développement AFD, le revenu moyen
des cacaoculteurs ivoiriens est de 0,91 dollar par jour. Et le fait que de nombreuses familles soient totalement dépendantes de leurs cacaoyers vieillissants ne fait qu’aggraver la crise. Il faut en outre signaler que ces deux études datent d’avant la chute des prix sur le marché mondial. Laurent Pipitone, directeur de la division économique de l’ICCO, a tiré la sonnette d’alarme en 2017 : « Si ce niveau de prix persiste pendant longtemps, les cacaoculteurs vont en pâtir. Nombre d’entre eux poursuivront leurs activités, faute de solution alternative. Mais d’autres abandonneront tout simplement la production de cacao. »

Pour VOICE la façon la plus simple de sortir de cette impasse, est de payer davantage les cacaoculteurs, soit en instaurant un prix plancher – à l’instar de ce que font déjà plusieurs petits chocolatiers -, soit en appliquant un système
flexible de primes. 

La World Cocoa Foundation (WCF), une organisation représentant toutes les grandes entreprises du secteur, a pour sa part réagi en admettant que les conditions de marché actuelles sont intenables à long terme, mais elle a aussi immédiatement mis en garde contre des perturbations du marché : « Si nous nous bornons à augmenter les prix versés aux agriculteurs, l’offre risque d’augmenter encore. Aussi, il nous faut dans le même temps élargir le marché, certainement dans des économies émergentes comme l’Inde, la Chine et le Brésil, tout en empruntant davantage encore la voie de la production durable. » Des propos auxquels Anthonie Fountain, coauteur du rapport VOICE, a répondu en affirmant : « Tout le monde s’accorde à dire qu’une augmentation des prix pour les cacaoculteurs n’est pas la seule piste à explorer. Mais il semblerait qu’à présent, le secteur soit trop souvent prêt à tout envisager, sauf justement une augmentation de ces prix. »

Enfants esclaves

Nick Weatherill, Directeur de l’ICI (International Cocoa Initiative, une organisation qui met sur pied des projets de sensibilisation au Ghana et en Côte d’Ivoire avec des fonds de l’industrie, se fait l’écho d’une préoccupation supplémentaire : « Une détérioration de la situation accroîtra aussi le risque d’esclavage d’enfants. »

Un risque qui n’est pas nouveau. Il y a vingt ans, les informations révélant que des enfants maliens et burkinabés âgés de 12 ans avaient été vendus comme esclaves pour travailler dans des plantations familiales ghanéennes et ivoiriennes, avait choqué le monde entier. De très nombreuses initiatives internationales avaient alors été prises tant par des pouvoirs publics que par l’industrie.

Selon le rapport A Matter of Taste de l’ONG Stop the Traffik, celles-ci ont été plus ou moins couronnées de succès. Cette ONG a comparé les six principaux fabricants de chocolat sur base de onze critères, dont la présence d’un système de contrôle du travail des enfants, les investissements consentis dans les communautés locales et la certification. C’est le Plan Cacao de Nestlé, lancé en 2009, qui décroche la meilleure note.

De belles promesses

« Si ce niveau de prix persiste encore longtemps, il impactera tous les efforts de durabilité consentis ces dernières années. », précise Laurent Pipitone. Cathy Pieters de Mondelez International ne dit pas autre chose : « Nous avons tout intérêt à ce que tout aille bien pour les agriculteurs ivoiriens. Les prix bas réduisent à néant nos investissements » en la matière. Car, en réponse aux campagnes publiques et à la pression politique autour des enfants esclaves et de la pauvreté dans les plantations de cacao, toutes les grandes entreprises du secteur ont dévoilé de grands projets. Cadbury (qui fait actuellement partie de Mondelez) a été le premier grand industriel à intégrer des produits certifiés à sa gamme. Pour sa part, Mars a été le premier à promettre du chocolat à 100 % durable pour 2020. Ferrero et Hershey ont suivi plus tard. Barry Callebaut parle, lui, de 2025. Quant à Nestlé, Mondelez et Cargill, ils n’ont pas encore fixé de date.

La manière dont ces entreprises tentent d’atteindre leurs objectifs durables varie. Ferrero, Hershey et Mars ont choisi de collaborer avec les systèmes indépendants de certification Fairtrade, UTZ et Rainforest Alliance, en les combinant avec leurs propres projets sur le terrain. Ainsi, Ferrero Farming Values (Ferrero), Learn to Grow (Hershey) et Sustainable Cocoa Initiative (Mars) misent sur la formation des cacaoculteurs et la scolarisation de leurs enfants, sur une amélioration des techniques de production et sur le développement communautaire. D’après leurs rapports d’avancement les plus récents, quelque 50 % de leur cacao seraient actuellement certifiés Fairtrade, UTZ ou Rainforest Alliance, et des dizaines de milliers d’agriculteurs auraient suivi des programmes de formation.

Depuis quelque temps, l’emballage des barres Côte d’Or arbore un « écusson » vert portant la mention Cocoa Life. Il s’agit de l’intitulé du programme de durabilité propre à Mondelez International, dont Côte d’Or fait partie.
Tous deux collaborent toujours avec Fairtrade International sans toutefois utiliser le logo Fairtrade, ce qui représente un modèle inédit de collaboration. Fairtrade International devient un partenaire du programme Cocoa Life au Ghana, tout en contribuant au renforcement des coopératives fournisseuses de cacao à Mondelez. Les agriculteurs n’obtiennent pas le prix minimum Fairtrade garanti, mais bien des primes assimilables à la prime équitable. Mondelez investit pour sa part dans des formations destinées aux agriculteurs et dans des projets de développement local. Le dernier rapport d’avancement en date affirme que Cocoa Life touche actuellement quelque 92.000 agriculteurs disséminés dans 861 villages, ce qui représente pour Mondelez 21 % de cacao durable.

Depuis 2009, Nestlé dispose également de son propre et ambitieux Plan Cacao Nestlé, lui aussi une combinaison entre une collaboration avec des certificateurs (principalement UTZ) et l’organisation de formations dispensées aux agriculteurs. Son projet phare est la collaboration avec 70 coopératives en Côte d’Ivoire, soit environ 40.000 agriculteurs, qui a donné naissance à un système de contrôle du travail des enfants. Des child labour agents et community liaison people formés à l’échelon local sont actifs au sein des communautés pour repérer tout travail des enfants et coordonner des interventions telles que l’organisation de séances de sensibilisation, la fourniture de matériel scolaire ou encore la recherche de solutions alternatives permettant d’accroître le revenu des familles.

Tous ces projets se traduisent-ils déjà par des résultats positifs ? Fin 2017, VOICE avait publié un discussion paper appelant tous les acteurs du marché du cacao – pays producteurs, certificateurs et secteur privé – à plus de transparence. Les rapports annuels font souvent état de l’ampleur des actions entreprises (autant de villages repris dans le projet, autant d’agriculteurs touchés, autant d’écoles construites), mais rarement, voire jamais, de leur impact. « La construction d’une école n’est pas en soi une information pertinente », poursuit Anthonie Fountain, « contrairement au fait de savoir si cette école permet d’accroître le nombre d’élèves fréquentant les cours et de réduire le taux d’analphabétisme. Il en va de même des programmes de formation s’adressant aux agriculteurs. Quel impact ce genre de formations a-t-il sur leur productivité et surtout sur leurs revenus ?»

Les certificateurs et les normes en CEN/ISO

Fairtrade International
gère depuis 1988 le principal label international de commerce équitable. Deux possibilités existent pour le cacao : d’une part, apposer le label Fairtrade bleu vert sur leur produit chocolaté en faisant certifier tous les ingrédients pour lesquels il existe des standards équitables (cacao, sucre, noix…) et, d’autre part, utiliser le logo du Fairtrade Sourcing Program, qui permet de ne certifier qu’un seul ingrédient.

 

Rainforest Alliance
est une ONG américaine fondée dans l’optique de protéger l’environnement et la biodiversité. Elle s’est ensuite également consacrée à la certification de produits cultivés de façon durable. Nonobstant la présence de critères sociaux (mais, contrairement à Fairtrade, aucun prix minimum n’est garanti aux producteurs), l’accent est davantage mis sur des aspects écologiques.

 

UTZ 
est une initiative néerlandaise lancée par le secteur du café. Depuis 2002, cette ONG a véritablement pris son envol et s’est, elle aussi, engagée dans la filière du cacao, en mettant fortement l’accent sur la formation des agriculteurs et la lutte contre le travail des enfants. Ici non plus, aucune trace d’un prix minimum. 
Rainforest Alliance et UTZ ont fusionné en janvier 2018 et un nouveau système de certification est annoncé pour 2019. L’organisation poursuivrait alors l’aventure sous le nom de Rainforest Alliance.

 

CEN/ISO
Aujourd’hui, la plupart des chocolatiers collaborent avec au moins un des systèmes internationaux de certification. Mais, une autre piste pour qualifier le cacao de durable est en passe de se concrétiser. Depuis 2011, le CEN (Comité européen de normalisation), la coupole des organisations nationales de normalisation de 33 pays européens, œuvre à l’élaboration d’une « norme générale pour le cacao durable ». Un objectif ambitieux vu que le CEN quitte pour la première fois son terrain de prédilection – les normes de qualité et de sécurité – pour aborder un thème aussi complexe que la durabilité. Il a rapidement été rejoint dans cette entreprise par l’ISO (International Organization for Standardization) et ses 163 pays membres ; les pays producteurs de cacao, les entreprises et les ONG se retrouvant ainsi également autour de la table. La date de publication de la norme a déjà été reportée à plusieurs reprises et son impact potentiel sur les pratiques adoptées dans le secteur, sur le rôle joué par les certificateurs, ou encore sur la vie des agriculteurs demeure une inconnue.

Les initiatives de la grande distribution en Belgique

Aux Pays-Bas, tout comme en Suisse et au Royaume-Uni, le marché équitable s’est fortement développé depuis que les distributeurs se sont engagés dans cette voie.

En Belgique aussi, la grande distribution a promis ces dernières années de ne pas ménager ses efforts en faveur du chocolat durable. Pionnier, Delhaize continue de proposer toute une vaste gamme de produits labellisés équitables ou durables. Depuis quelques années maintenant, des figurines en chocolat Fairtrade font même leur apparition dans les rayons durant la période de Saint-Nicolas et de Pâques. Chez Carrefour également, le commerce équitable prend son envol. L’entreprise a annoncé en avril 2017 qu’Eclair, le fournisseur de toute la pâtisserie, n’utiliserait désormais plus que du cacao Fairtrade.

ALDI, de son côté, propose depuis la fin 2017 100 % de cacao certifié durable pour tous les produits chocolatés de ses propres marques. Même son de cloche du côté de Colruyt, qui attend de tous ses fournisseurs qu’ils utilisent du cacao certifié pour les produits sous marque de distributeur. Lidl s’investit lui aussi à 100 % dans les marques de distributeur certifiées UTZ, en combinaison avec un projet mis en œuvre dans une école d’agriculture en Côte d’Ivoire.

Partie 2 : L’appui du TDC 

Assurer aux organisations de producteurs un meilleur accès au marché, tel est l’objectif du Trade for Development Centre (TDC). Vingt coopératives ou groupes de producteurs de cacao viennent de bénéficier de son appui. Douze d’entre eux – répartis entre la Bolivie (1), le Pérou (7), le Vietnam (1), le Ghana (1) et la Côte d’Ivoire (2) – ont reçu un appui financier, tandis que 8 coopératives ivoiriennes ont suivi deux modules de coachings en marketing. Les pages qui suivent présentent quatre de ces groupes et leurs projets.

Les cueilleurs du cacao sauvage

Yuracaré

Dans la partie bolivienne du bassin amazonien, en particulier dans les basses terres au nord de Cochabamba, vivent les Yuracaré, un peuple indigène de chasseurs-cueilleurs. Une des principales activités économiques de ces communautés est la cueillette de cacao sauvage, ou cacao sylvestre, un produit de haute qualité prisé par les chocolatiers. Mais, ces dernières décennies, l’habitat des Yuracaré est gravement menacé par la déforestation. Tirant parti de la nouvelle Constitution qui octroie aux communautés indigènes des droits sur leur « territoire originel », les Yuracaré ont entrepris de préserver leur mode de vie traditionnel. Le Conseil des Yuracaré a ainsi fondé en 2011 l’association ARCASY (Asociación de Recolectores de Cacao Silvestre Yuracare), dans le but de trouver de meilleurs canaux de vente et générer des revenus. Aujourd’hui, cette association regroupe déjà quelque 176 cueilleurs de cacao sauvage.

Des centres de collecte pour de meilleurs prix

Ces dernières années, ARCASY a consacré beaucoup d’énergie à l’élaboration d’un « Plan de gestion pour la cueillette de cacao sauvage », en concertation étroite avec le service public bolivien responsable de la gestion forestière. Unique en Bolivie, ce plan impose aux Yuracaré de protéger les forêts, tout en leur conférant officiellement le droit de cueillir, transporter et commercialiser le cacao sauvage, tant à destination du marché domestique qu’à des fins d’exportation.

Ce Plan de gestion a ensuite été décliné en « Plans de cueillette» annuels, applicables à 11 zones délimitées.

Forte d’un appui du TDC au projet, ARCASY a mis en place 11 centres de collecte, soit un par zone, où les membres d’ARCASY peuvent apporter leur cacao et être immédiatement payés à un prix supérieur à celui offert par les acheteurs classiques.

Ces centres permettent également aux collaborateurs de l’association d’informer et de proposer aux familles dispersées des formations en matière de séchage, de fermentation et d’enregistrement du cacao pour améliorer la qualité et augmenter la traçabilité.

Commercialisation

Au début du projet, Arcasy ne comptait que deux entreprises de cacao, boliviennes, dans son portefeuille clients. Grâce à la qualité améliorée, l’organisation peut maintenant répondre aux exigences élevées des marchés de niche dans le Nord.

Le cacao d’Arcasy n’est pour l’instant pas certifié bio, mais il répond à toutes les conditions et pourra donc être facilement certifié si des clients le demandent. Le projet du TDC porte ses fruits : entre 2014 et 2017, les ventes d’Arcasy ont augmenté de 76% et les revenus des cueilleurs de 15%.

Les pionniers vietnamiens du cacao équitable

Un potentiel peu exploité

Introduite dès le 19e siècle par les Français au Vietnam, la cacaoculture y est restée marginale pendant plus d’un siècle. Ce n’est qu’en l’an 2000 que le gouvernement a élaboré un plan de promotion du cacao dans différentes régions. De grandes entreprises comme Cargill lui ont ensuite emboîté le pas avec des programmes de formation destinés aux cultivateurs. Le Vietnam regorge en effet de potentiels, notamment en matière de cacao Fairtrade, comme s’en est rendu compte NAPP (Network of Asia and Pacific Producers), une faîtière qui regroupe plus de 200 organisations de producteurs certifiés Fairtrade en Asie. Dans les provinces vietnamiennes Dak Lak et Dak Nong, situées dans la région des Hauts Plateaux du Centre, NAPP dispense des formations sur les méthodes de production durable et accompagne les paysans vers la certification.

3 coopératives, 387 familles

Le gouvernement jouant un rôle clé dans l’économie vietnamienne, NAPP s’est félicitée de l’intérêt manifesté par la Vietnam Cooperative Alliance de devenir son partenaire au sein du projet financé par le TDC. Une première étape a consisté à identifier les coopératives de cacao présentant le plus de potentiel. Si la coopérative Ea Kar connaissait déjà le concept équitable de par son expérience dans le secteur du café, Krong Nong n’en avait encore aucune expérience, tandis qu’un troisième groupe, Thanh Dat, devait encore se constituer formellement en coopérative. Ces trois groupes représentent environ 387 familles d’agriculteurs. Près de la moitié des membres sont des femmes et 30 % appartiennent à une minorité ethnique. 

En 2016, ils ont reçus plusieurs formations aux normes Fairtrade et, depuis lors, ces coopératives ont toutes les trois reçu la visite d’un auditeur et décroché la certification.

Ces coopératives produisent actuellement 500 tonnes de fèves de cacao Fairtrade fermentées et séchées. Les défis commerciaux restent toutefois importants, beaucoup d’acheteurs doivent encore être convaincus de s’aventurer au-delà des chaînes d’approvisionnement traditionnelles ouest-africaines ou latino-américaines. NAPP tente d’y remédier par différentes initiatives : le lancement d’un film promotionnel, la participation à des foires commercialises ou l’organisation d’évènements de réseautage auxquels participent des entreprises vietnamiennes et notamment belges. Les trois coopératives soutenues par le TDC sont actuellement en contact avec la société belge Puratos.

Le TDC au Ghana et en Côte d’Ivoire

Le secteur cacaoyer est totalement différent en Afrique de l’Ouest. Au Ghana et en Côte d’Ivoire, des régions entières dépendent de la cacaoculture. Le TDC y est actif depuis 2016.

Formation des cacaoculteur.trice.s

Une des nombreuses coopératives établies dans la région d’Ashanti, au centre du Ghana, est la Kookoo Pa Farmers Association ou, en abrégé, Kookoo Pa. Elle tire son origine d’un programme mis en œuvre par l’ONG néerlandaise Solidaridad pour former 352 agriculteurs aux méthodes de production durable conformes aux normes UTZ. Si ces paysans ont décidé en 2009 de fonder leur propre organisation pour mieux défendre leurs intérêts, le lien avec UTZ n’a pas été rompu, et 85% des quelque 8.600 membres sont aujourd’hui certifiés. Kookoo Pa propose de nombreux services dont l’accès à des plants, des fermes de démonstration et des formations. Ces services ne sont pas exclusivement axés sur le cacao, des cultures alternatives telles que le manioc ou les bananes plantains étant encouragées.

2.000 de plus

Le projet financé par le TDC visait à intégrer 2.000 nouveaux agriculteurs, issus de 40 villages, au programme de certification UTZ. Chacun de ces villages a élu un community level facilitator (CLF) qui a bénéficié d’une formation sur les normes UTZ et les techniques de production durable, avant de transmettre à son tour ces connaissances aux habitants du village. D’autres formations ont également concerné les spray service providers, chargés de veiller à l’utilisation sûre des pesticides.

Les femmes font partie intégrante de l’organisation. 3000 sont affiliées à Kookoo Pa, soit plus d’un tiers des membres. Grâce au nouveau projet, un groupe de femmes a pu être créé dans 30 des 40 villages pour sensibiliser leurs consoeurs à leurs droits.

COOPARA centralise le cacao

A 80 km au nord d’Abidjan, COOPARA soutient 639 producteurs de cacao au niveau de la production, de la transformation et de la commercialisation de leur cacao.

Fondée en 2000, l’organisation veut assurer l’avenir du cacao en mettant fortement l’accent sur sa durabilité, car les problèmes rencontrés par les agriculteurs ne sont pas minces : des plants vieillissants, une qualité médiocre et des cacaoculteurs de moins en moins nombreux. En collaboration avec le TDC, COOPARA a mis en place un projet pour améliorer la qualité du cacao et standardiser la production. Les agriculteurs sont formés aux processus de fermentation, de séchage et de stockage des fèves. Les différentes étapes sont maintenant également centralisées par secteur, ce qui représente un gros changement !

Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact, mais deux projets pilotes ont été lancés avec succès dans deux secteurs différents. L’intention est de les étendre à tous les secteurs couverts par la coopérative.

Coaching en marketing

Dans le cadre de son programme de coaching en marketing, le TDC accompagne huit coopératives de cacao ivoiriennes. L’une d’entre elles est la SCINPA (Société Coopérative Ivoirienne de Négoce des Produits Agricoles), fondée en 2003 à Agboville, au nord d’Abidjan. Valeur sûre dans la région, elle dispose de quatre points de collecte pour ses 3.000 membres et a obtenu la certification Fairtrade en 2015. Au fil des ans, la coopérative a mis en œuvre nombre de projets communautaires tels que la construction ou la réhabilitation de petites écoles et de pompes hydrauliques. Elle a en outre acquis un grand crédit en continuant assidûment à défendre les intérêts des agriculteurs lors des troubles politiques qui ont secoué la Côte d’Ivoire.

Néanmoins, elle est, elle aussi, confrontée à certains problèmes rencontrés dans la filière : un manque de liquidités ne permettant d’acheter qu’une partie des récoltes aux membres et, faute de clients, la possibilité de ne vendre qu’une partie de la production aux conditions Fairtrade (Cargill, son principal client, privilégiant la certification UTZ).

La SCINPA nourrit clairement l’ambition, à terme, de resserrer les liens avec ses membres et de vendre des volumes plus importants à une clientèle plus large. C’est pourquoi la coopérative a introduit sa candidature auprès du TDC en vue de bénéficier d’un appui marketing. À l’été 2016, une session préparatoire a permis de mieux cartographier les informations sur les volumes, le chiffre d’affaires et les revenus. Par la suite, un coach en marketing du TDC s’est à nouveau rendu à Agboville pour le premier module d’accompagnement, qui prévoyait une analyse SWOT, ainsi qu’un travail sur les stratégies, les groupes cibles, les messages et canaux de communication. La société a reçu du TDC un budget de 15.000 € pour développer des outils de communication : des spots radio, un site web, des dépliants, un calendrier et des cartes de visite. Deux produits ont toutefois été développés en priorité : une brochure expliquant – surtout en images pour ceux qui ne savent pas lire ! – comment se déroule la certification, ainsi qu’une plaquette de présentation destinée aux clients potentiels. Cette dernière a d’ailleurs été utilisée fin octobre 2017, à l’occasion du Salon du Chocolat de Paris.

Le deuxième module de coaching, en novembre 2017, a coïncidé avec le très fréquenté Salon international de l’agriculture et des ressources animales (SARA), où SCINPA disposait d’un stand. L’organisation a notamment rencontré le ministre de l’agriculture et du développement durable de Côte d’Ivoire qui les visitera prochainement. SCINPA a depuis reçu une belle couverture médiatique avec, entre autres, un article dans le magazine Afrique Culture et une interview diffusée en prime time sur la RTI. Une excellente publicité !

Les projets du TDC au Ghana et en Côte d’Ivoire n’ayant débutés qu’en 2016, il est encore trop tôt pour mesurer leur impact. Il est clair que les défis pour les producteurs de cacao dans la région sont énormes, tout comme le besoin d’accompagnement, tel que proposé par le TDC, pour rendre la production plus durable et améliorer l’accès au marché.

 

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Le chocolat durable améliore-t-ils les conditions de vie des cacaoculteurs ?

Il ne fait pas bon être un petit producteur de cacao en Côte d’Ivoire ! Alors que, fin 2016, les excellentes conditions météorologiques dopaient la production mon-diale de cacao de 3 à 5 %, dans la foulée, les prix du marché, quant à eux, chutèrent de 30 %. Cette baisse n’ayant jamais été répercutée sur les prix de vente aux consommateurs, ce sont les bénéfices des grands ac-teurs de l’industrie du cacao qui explosent, tandis que pour les petits producteurs commence une période de vaches maigres. Et cela au moment où tout le secteur parle de chocolat durable d’ici 2020, 2025 ou 2030 au plus tard.

Bean to bar

Le processus de production de la fève de cacao à la tablette de chocolat comporte, la plupart du temps, de nombreuses étapes intermédiaires impliquant quelques grandes sociétés. Cependant, à l’heure actuelle, de plus en plus de chocolatiers du monde entier veulent prendre en charge eux-mêmes l’ensemble du processus.

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