Identité Amérique Indienne (IAI)

Identité Amérique Indienne : Focus sur les communautés de la Cordillère

Identité Amérique Indienne (IAI), fondée par Danielle Meunier, offre des voyages vers quatre pays andins. Mais là n’est pas vraiment son premier objectif : l’association se définit d’abord comme un « groupe d’appui environnemental et culturel ».

Danielle Meunier s’est rendue pour la première fois au Pérou en 1978. En 1989, Danielle et des membres du comité extérieur Mapuche fondent IAI.  Le groupe initial se proposait l’appui du peuple Mapuche du Chili, pour dénoncer la spoliation de ses terres. Ou encore une campagne contre l’exploitation pétrolière abusive sur les terres du peuple Quichua de Pastaza, en Equateur.

Vers 1996, lors d’un troisième voyage, elle y a rencontré des artistes engagés de Huancayo, une ville du centre du pays, qui ont un projet de conservatoire des savoirs ancestraux afin de valoriser la culture indigène : la peinture, les pigments minéraux, la construction traditionnelle, etc.

Jusque-là, il n’est pas encore question de tourisme. « Non. Il s’agit d’une association de sensibilisation et de soutien à des peuples indigènes, avec des activités classiques de sensibilisation : pétitions, concerts, récolte de fonds, conférences, etc. Le premier voyage de tourisme communautaire organisé l’a été quatorze ans après la création de l’association, en 2002 », explique Anne André, une membre du conseil d’administration qui revient justement d’un voyage en compagnie de Danielle Meunier, restée au Pérou.

« Encore maintenant, les voyages ne représentent qu’un quart des activités de l’association. Le reste, c’est de la sensibilisation ici en Belgique, avec des stages nature pour les enfants, de la vannerie, des cours d’espagnol, des concerts de soutien… Les voyages ne rapportent d’ailleurs pratiquement rien à IAI. Nos fonds proviennent principalement des subventions, des stages nature, des ventes du marché de Noël, de repas, de concerts, etc. », ajoute Noélise Delille, la responsable de la communication d’IAI.

Au-delà de l’équitable

Tous les bénéfices font vivre l’ASBL et ses permanents. IAI soutien des projets financés par la commune de Liège, ou d’autres sources de fonds. Les voyages dégagent des bénéfices qui participent au développement de nos partenaires de tourisme. Les projets choisis par les communautés visitées recherchent la vie saine, la valorisation des aliments andins, une exposition des plantes médicinales en Quechua, le soutien de bourse d’études des jeunes andins, pour lesquels l’association recherche aussi des parrainages. « Nous sommes au-delà du simple tourisme équitable et solidaire », commente Anne André.

IAI propose essentiellement des voyages par petits groupes (de 8 à 12 personnes) dans quatre pays : le Pérou, l’Equateur, le Chili et l’Argentine. Mais il y a des exceptions. Le programme est construit en dialogue avec les gens et il y a des voyages très différents. Par exemple, IAI a organisé un voyage pour une association  de personnes handicapées. Le groupe comptait seize voyageurs : six personnes handicapées et dix aidants. « Nous sommes une petite association qui peut facilement s’adapter aux situations. Nous proposons aussi des cours d’espagnol pour les candidats au départ, et des réunions d’information sur les peuples indigènes », précise Noélise Delille.

« Notre spécificité, c’est la rencontre avec les communautés, ajoute Anne André. A Lima, par exemple, nous allons loger et nous rencontrons Mano a mano, association qui organise un groupe de femmes constructrices qui travaillent dans le bidonville de la Ensenada pour y construire les murs de soutènement, les terrains de football, les parcs, etc. On visite l’école, la garderie, le réfectoire, la cuisine collective… »

Ecotourisme communautaire

« Nous bougeons beaucoup. On va dans des endroits très éloignés les uns des autres et on prend tous les moyens de transport locaux : les colectivos (taxis partagés), les bus… Nous louons un mini-van lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement. Le but est de voyager avec les locaux et de rester dans les prix les plus bas. Il y a toujours un accompagnateur de l’association, en général Danielle, avec le groupe. Quand on part avec Danielle – qui, soit dit en passant – est une bénévole, on sait qu’on est en sécurité, car elle connaît le terrain et qu’elle a de bonnes intuitions. »

Anne et Noélise définissent le tourisme qu’IAI pratique comme de l’écotourisme communautaire. « Eco » car Danielle est guide nature et oriente le voyage vers la découverte des merveilles naturelles locales. « Communautaire » car le but est l’échange de savoir et la rencontre avec les peuples détenteurs de connaissances ancestrales. Le tourisme communautaire est une stratégie choisie par une communauté pour créer une source économique évitant la migration des jeunes en ville et renforçant le maintien de l’identité et  la culture. Au Pérou, ce type de tourisme est apparu il y a huit ans. « Mais nous n’aimons pas le mot « tourisme ». Nous n’amenons pas de touristes. Nous n’amenons que des visiteurs.  On peut aussi parler d’initiation aux valeurs indigènes », ajoute Anne.

Anne, qui revient justement d’un voyage au Pérou, où elle a accompagné Danielle Meunier, déborde d’anecdotes : « Nous avons, par exemple, beaucoup parlé avec le groupe des Jeunes Incas vivants, dans la région de Patacancha. Ce groupe cherche à conserver la culture inca, la médecine andine, les tissages et développer leur village. Alors que nous avions été voir le Machu Picchu, eux ne l’avaient jamais vu ! Les vieux du village connaissaient, car ils avaient été porteurs sur le chemin de l’Inca. Mais pas les jeunes et encore moins les femmes. » Les bénéfices du voyage ont d’ailleurs permis d’offrir le voyage en bus à une vingtaine de ces jeunes pour visiter la quatrième nouvelle merveille du monde (liste établie en 2007) et ont permis de renforcer leur association.

Les communautés, maîtresses du jeu

Pour le logement, les voyageurs d’IAI passent un maximum de nuits dans les communautés, ou dans une ONG comme Mano a Mano, ou chez des amis. « Nous n’allons à l’hôtel ou dans une petite pension que pour faire la soudure, quand il n’y a pas moyen de faire autrement. Là où nous nous rendons, nous sommes pris en charge par les communautés qui fixent leurs propres tarifs et dispatchent les voyageurs. Elles ont l’habitude car elles travaillent souvent avec d’autres associations ou des agences locales ou étrangères. Les standards de confort sont ceux des communautés. Les sanitaires sont propres, par exemple, mais ils sont ce qu’ils sont ; simples. C’est un choix : ou nous imposons aux communautés nos propres critères de confort, ou nous les laissons faire, en partenariat avec nous, bien sûr. »

Pourquoi toujours les communautés ? « Une communauté, c’est une manière de répartir les biens et richesses. Par exemple,  l’organisation du travail est collective, soit aux champs, soit pour les constructions, les réparations des désastres naturels. Cela évite bien des conflits qui arrivent lorsque chacun ne pense qu’à soi. Là-bas, on parle aussi du principe du ‘bien vivir’, la manière traditionnelle de bien vivre en harmonie avec les autres et l’environnement. »

Si le tourisme de masse semble avoir souffert de la crise économique depuis 2008, il n’en va pas de même pour IAI. « Nous fonctionnons avec de petits groupes de gens qui ont un intérêt déclaré pour ce genre de voyages. C’est un marché de niche. Donc, la crise économique n’a pas eu beaucoup d’influence sur nos activités », précise Noélise. Et Anne d’ajouter : « Avec la crise, on peut même dire qu’il y a une certaine conscientisation de ce qui est équitable et que la paupérisation est partout. Il y a donc un vrai intérêt pour ce que nous faisons. Nous pourrions même parler d’un effet de mode ».

Y aurait-il donc là matière pour que le tourisme équitable soit récupéré par les grands opérateurs ? « Mais il a déjà été en partie récupéré par certains tour-opérateurs qui vendent du pseudo-authentique ! », répond Noélise. Du Pérou, Danielle  Meunier précise toutefois dans un courriel que le risque de récupération est limité si l’on travaille avec des villages bien organisés : « Plus il y a de passage dans les communautés, plus le but est atteint. Cependant, ce sont eux qui décident des règles du jeu. Si tout à coup ils ne sont plus disposés à nous accueillir chez eux, nous devons aller ailleurs ». Voilà de quoi se montrer prudent…

Propos Recueillis par François Hubert, pour le Trade for Development Centre
Identité Amérique Indienne
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