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Coach de coaches, l’autre casquette du TDC 

Mis en œuvre par Enabel, l’agence belge de développement, le programme Trade for Development Centre (TDC) a pour objectif de lutter contre la pauvreté dans les pays du Sud en soutenant des micro, petites et moyennes entreprises, et notamment des coopératives de producteurs, dans leur développement économique.

En parallèle de cette approche d’appui direct, et afin de la répliquer à plus grande échelle encore, le TDC propose également un programme d’accompagnement intensif destiné aux « business support organisations », des structures qui elles-mêmes accompagnent au niveau local d’autres organisations qui ne sont pas nécessairement appuyées par le TDC.

Incub’Ivoir, qui épaule des entrepreneurs de Côte d’Ivoire depuis 2016, fait notamment partie des organisations qui ont déjà pu bénéficier du renforcement mis en place par le TDC. Grâce à un coaching poussé, étalé sur plusieurs années, Incub’Ivoir a ainsi pu déterminer comment mieux se positionner dans son secteur d’activité et affiner son business model. Cela lui a permis de redéfinir sa mission et sa cible, de re-designer son offre de services, mais surtout de s’engager dans l’accompagnement d’acteurs de la filière cacao durable en Côte d’Ivoire.

Depuis lors, la BSO a ainsi pu remporter l’implémentation de plusieurs programmes de développement, dont les programmes ‘Agripreneurs De Demain’ et  ‘Fonds pour climat’ mis en place par la GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit), l’Agence allemande de coopération internationale. Autre structure ayant pu bénéficier de l’expertise des coaches du TDC : le Guichet d’Économie Local (GEL) Sud Bénin. Né d’une initiative de l’ONG Louvain coopération et autonome depuis 2013, le GEL accompagne des entrepreneurs béninois en milieux rural et péri-urbain. L’organisation s’est tournée vers le coaching du TDC avec l’ambition de se professionnaliser davantage et de spécialiser son offre de services. Le processus s’est particulièrement attardé sur les volets marketing, finance et organisation. Grâce à l’appui du TDC, le GEL a pu se démarquer des autres acteurs actifs sur le territoire béninois et se recentrer sur le soutien aux filières agricoles, au point de désormais exécuter une partie des activités du programme DEFIA (Développement de l’entreprenariat dans la filière ananas). Mis en place par Enabel, DEFIA ambitionne de contribuer à la mise en œuvre du Plan National des Investissements Agricoles de sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNIASAN) à travers l’amélioration et la sécurisation des revenus agricoles des acteurs des chaînes de valeur de la filière ‘Ananas’ dans les pôles de développement agricoles du sud du Bénin. Parmi les objectifs du programme figure notamment celui d’augmenter significativement le revenu de quelque 6.000 entrepreneurs agricoles locaux.  

BSO, quésaco ? 

Mais qu’est-ce qu’une BSO précisément, et que font-elles concrètement ? Le terme « business support organisation » recouvre l’ensemble des initiatives dont la raison d’être est de fournir du conseil et de l’accompagnement aux entrepreneurs qui souhaitent développer leurs (petites) entreprises. Ces structures peuvent prendre diverses formes (guichet d’économie, incubateur, accélérateur…), proposer de multiples services (conseil en matière de gestion financière et organisationnelle, conseil technique, mentorat, coaching, formation, réseautage…) et aider les entrepreneurs à franchir de nombreux obstacles (changer d’échelle, trouver de nouvelles sources de revenus, attirer des fonds privés ou publics, résoudre des problèmes de logistique, de recrutement…). Dans les économies occidentales, les solutions de soutien aux jeunes entreprises sont relativement nombreuses. Mais ce n’est pas nécessairement le cas dans les économies émergentes, où les conditions du marché rendent le développement de ces starters encore plus périlleux. C’est pourquoi les BSO assument un rôle particulièrement important dans ces pays, en participant notamment à créer un tissu entrepreneurial plus solide et en permettant aux jeunes pousses de grandir et ainsi générer davantage d’emplois et de croissance économique au niveau local. 

En quoi consiste le programme de renforcement du TDC ? 

Mais à l’instar dans de ces jeunes entreprises, les BSO peuvent elles aussi avoir besoin d’un renforcement de leurs capacités, que ce soit pour pouvoir grandir et pérenniser leur propre organisation ou améliorer la qualité du renforcement de capacités qu’elles dispensent. Et c’est exactement ce que le Trade for Development Centre entend proposer. Sur base de dossiers de candidature, le TDC sélectionne des BSO à haut potentiel afin de leur offrir un trajet de coaching à la carte, spécifique à la situation et aux besoins qui leur sont propres. Cet accompagnement peut porter sur l’amélioration des services qu’une BSO propose à ses clients et/ou sur le renforcement de sa structure en elle-même. Dans le premier cas de figure, le coaching pourra se concentrer sur le plan technique (connaissances et outils marketing, financiers, RH…) ou pédagogique (méthodologies participatives, cocréation…). Dans le second cas de figure, le renforcement pourra porter sur la structure organisationnelle de la BSO (diversification des sources de financement, monitoring des performances, définition d’une politique des ressources humaines…) ou encore sur son positionnement sur le marché (stratégie commerciale, communication, ‘marketisation’ de son offre de services…). En d’autres termes, le TDC propose un accompagnement aux accompagnateurs, un coaching aux coaches. 

Les renforcements à effectuer sont par ailleurs déterminés en fonction des besoins identifiés de concert entre la BSO et les coaches du TDC. Un total de trois à cinq modules de coaching, d’une durée d’environ 5 jours chacun, sont dispensés en présentiel, dans les locaux de l’organisation, par un ou plusieurs coaches en fonction des thématiques abordées. De manière générale, l’accompagnement se veut pratique, pragmatique et hautement participatif. Tout au long du processus, l’expert du TDC est un accompagnant, un conseiller ou encore un facilitateur, mais en aucun cas le moteur. Ce rôle doit être assumé par la BSO-même, qui demeure maîtresse du contenu du coaching, tout comme de ses choix stratégiques. C’est donc l’organisation coachée qui définit elle-même son plan d’affaires, ses outils de gestion financière, sa communication, sa stratégie, ses opportunités commerciales, etc. 

« Pour accompagner une entreprise, il faut comprendre vers où elle veut aller »  

Voilà pour la théorie, mais qu’en est-il dans la pratique ? « Le coaching dispensé par le TDC aux BSO dispose de plusieurs spécificités », explique le coach spécialisé en management Maxime Bacq. « La première, c’est de passer suffisamment de temps avec les structures que nous accompagnons pour comprendre leurs réelles problématiques. Apprendre à connaitre l’organisation, sa culture entrepreneuriale et créer un lien de confiance permet de dépasser les besoins de surface pour toucher réellement les points qui permettraient à la BSO de se développer. Car pour accompagner une entreprise, il faut pouvoir comprendre vers où elle veut aller, en fonction de ses forces et faiblesses », souligne celui qui a notamment coaché ces dernières années l’incubateur d’entreprises HapaSpace au Ghana ou encore l’agence ivoirienne de soutien aux petites et moyennes entreprises CIPME. 

Une autre spécificité du coaching du TDC réside dans la variété des soutiens proposés aux BSO et son approche holistique, un élément qui se retrouve dans les multiples rôles que les experts du programme sont amenés à endosser. « Le coach a principalement une casquette d’accompagnateur, c’est-à-dire qu’il accompagne une organisation et les personnes qui la composent, tout au long d’un cheminement émaillé de challenges vers un objectif donné. Il aide à trouver les réponses les plus adéquates, à donner les bonnes orientations, etc. », poursuit Maxime Bacq. « Mais il est parfois amené à porter d’autres casquettes. Celle de formateur, lorsqu’il délivre les contenus théoriques qui constituent parfois un prérequis avant d’aborder une problématique concrète. Celle de facilitateur, lorsqu’il souhaite faire prendre conscience que travailler de manière participative au sein des équipes peut être une approche intéressante en matière de coaching. Et enfin, il y a également la casquette de mentor, lorsqu’il apporte ses conseils et son point de vue sur une situation donnée, sur base de sa propre expérience. Dans de rares cas, il peut aussi être amené à assumer un rôle de consultant, même si en termes de dynamique d’accompagnement cela n’a pas d’intérêt puisque ce n’est absolument pas participatif. » 

En effet, l’expert souligne que le TDC insiste tout particulièrement sur le caractère participatif de ses coachings, l’idée derrière la démarche étant que les organisations acquièrent une plus grande autonomie par la suite. « Et c’est une très bonne chose », estime Maxime Bacq. « Cela prend sans doute plus de temps pour atteindre la solution, mais pendant ce temps-là les participants ont l’occasion de partager leurs connaissances individuelles, leurs méconnaissances aussi, d’approfondir certains sujets, de s’enrichir… Bref, de renforcer leurs propres capacités. Il existe des formations sur le coaching de coaches, et elles peuvent avoir leur utilité, mais c’est en situation que se vit le métier de coach. Pour progresser, il faut rapidement explorer des cas pratiques, idéalement ceux de la BSO accompagnée, et essayer de trouver les réponses appropriées avec le groupe, en faisant appel à une certaine forme d’intelligence collective. » 

Un accompagnement sur-mesure 

Concrètement, voici comment se déroule un accompagnement-type. « Nous allons toujours débuter par un diagnostic de l’organisation, et ainsi déterminer quelles sont les priorités de coaching, ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres programmes », explique Maxime Bacq. « Dans le cadre de ce diagnostic participatif, nous faisons ressortir certaines problématiques. Parfois il y en a beaucoup, parfois peu. Nous les priorisons, ce qui détermine les grands axes sur lesquels nous allons nous mobiliser par la suite. Selon les cas, ces axes peuvent conduire à améliorer les points faibles d’une organisation ou bien à renforcer ses points forts. » Sa collègue Daniella Mastracci, spécialisée pour sa part dans le marketing, ne dit pas autre chose. « Lorsqu’on commence à travailler avec une nouvelle organisation, la première ou les deux premières sessions consistent généralement à explorer et comprendre où elle se situe à l’instant T et ce qu’elle veut parvenir à accomplir. Avant d’avancer, de formuler des recommandations ou d’adopter n’importe quelle approche, il s’agit d’abord d’exploration et de découverte de ce que la BSO souhaite retirer du coaching. » Il s’agit donc à chaque fois d’un travail sur-mesure. « Nous démarrons le coaching avec un plan, mais une fois sur le terrain, nous déterminons ensemble ce sur quoi nous voulons travailler. », poursuit l’experte qui a également pris part au coaching de l’incubateur ghanéen HapaSpace. 

Le programme de renforcement du TDC s’étale généralement sur une période d’environ trois ans, au cours de laquelle les coaches alternent les séances sur place (en moyenne quatre sessions par domaine d’expertise pour chaque organisation coachée) et un suivi à distance sous la forme d’e-mails, de conversations Whatsapp, de visioconférences, etc. « Cela permet de voir l’organisation évoluer », explique Maxime Bacq. « Une telle durée nous donne également l’opportunité de tester des solutions et d’avoir un retour d’expérience afin d’améliorer les réponses que nous pouvons apporter. De plus, cela permet d’alterner une forme d’intensité au cours de la semaine de coaching et puis de laisser un temps pour l’implémentation, avant de revenir sur place, d’évaluer et de se repositionner si besoin, ou de lancer de nouveaux chantiers. » 

Cette méthode de travail a été particulièrement adaptée pour l’accompagnement de HapaSpace, illustre l’experte marketing Daniella Mastracci. « Il s’agit d’une BSO assez proche d’une start-up dans son fonctionnement et qui souhaitait déterminer sa stratégie et identifier ce qui fonctionne le mieux pour elle. La méthodologie que j’ai utilisée a été une combinaison d’un peu de formation théorique, mais avec clairement beaucoup plus de participation, de collaboration, de discussions et d’utilisation pratique des outils dont nous avions parlés au préalable. J’ai laissé les équipes de HapaSpace choisir la direction et je les ai soutenues tout au long du processus qui consistait à identifier les objectifs qu’ils voulaient atteindre et comment y parvenir. » En l’occurrence, le renforcement a principalement porté sur le marketing, la finance et la gestion d’entreprise, détaille Gideon Brefo, CEO de l’incubateur ghanéen. « Le coaching a commencé par un examen complet de nos systèmes commerciaux, de nos ressources humaines et de nos approches opérationnelles. Sur la base des résultats, nous avons cocréé le contenu du coaching avec les deux experts affectés à notre organisation. Nous avons ainsi pu bénéficier d’outils, des expériences partagées par les experts et de formations pratiques. » 

« Le coaching requiert beaucoup d’attention » 

Bien sûr, la mise en place du programme de renforcement du TDC n’est pas sans poser quelques défis. Pour le coach, cela signifie notamment devoir s’adapter à différentes cultures entrepreneuriales. « Entre le monde francophone et le monde anglophone, l’université ne fonctionne pas de la même manière par exemple », illustre Maxime Bacq. « L’approche latine, très théorique, contraste avec l’approche anglo-saxonne, plus pragmatique et où l’on fait beaucoup plus de ‘case studies’. Et cette approche est plutôt bonne car, à mon sens, il faut se frotter le plus tôt possible à la réalité du terrain. L’économie, le management, les organisations… C’est avant tout une histoire d’êtres humains. » Toutefois, l’expert en management ne perçoit pas ce besoin que tout le monde se mette au diapason comme une particularité propre au coaching du TDC. « C’est quelque chose que l’on retrouve tout le temps et partout, dès le moment où l’on accompagne un collectif. C’est également vrai en Belgique, si l’on accompagne un projet qui rassemble un biologiste, un ingénieur et un spécialiste du marketing par exemple. Là aussi, il y aura un besoin d’alignement et que chacun se comprenne bien. » 

Par ailleurs, l’approche de coaching variera fortement selon la nature de l’organisation à accompagner (structure privée, publique, start-up…), les qualifications de ses membres ou encore le contexte propre à chaque pays. Un autre point sur lequel insiste Daniella Mastracci est l’importance de parvenir à trouver un format d’accompagnement qui convienne à tous les participants. « Le coaching requiert énormément d’attention de la part des équipes des BSO, ce qui implique qu’elles doivent mettre leurs autres projets sur pause pendant les sessions. Le challenge est donc de parvenir à déterminer une méthode de travail qui permet au personnel d’être totalement engagé, sans être distrait par ses tâches du quotidien. Notre but est de limiter au maximum les distractions pour que le travail soit le plus productif possible lorsque nous sommes ensemble. » Et entre les sessions, le défi est de conserver ce « momentum », malgré la reprise du travail de tous les jours, ajoute l’experte du TDC. 

Trouver le temps et l’argent 

« Un défi majeur est de trouver le temps nécessaire pour participer pleinement aux sessions de coaching », confirme Gideon Brefo. « Mais chaque minute en vaut la peine, si vous planifiez bien votre participation. » Le CEO de HapaSpace pointe également comme challenge le fait qu’il n’y ait pas de soutien financier supplémentaire prévu pour mettre en œuvre les suggestions formulées par les experts. « L’organisation doit donc se préparer à trouver d’autres sources de revenus pour les implémenter1. » 

De manière générale, une des grandes difficultés en matière d’accompagnement de jeunes et/ou petites entreprises, c’est la question du modèle économique, explique Maxime Bacq. « La plupart des structures d’accompagnement n’arrivent pas à valoriser les services qu’elles proposent à leur juste valeur. Simplement parce que les starters n’ont pas les moyens de payer le prix plein. C’est une réalité très commune à 90% de structures d’accompagnement à travers le monde. Et cette question du modèle économique est encore plus prégnante dans les économies comme celles du Ghana ou de la Côte d’Ivoire, où les prix des services proposés par les BSO peuvent être particulièrement élevés en regard du pouvoir d’achat local. » Et à ces difficultés financières s’ajoute le fait que dans certaines régions, le métier de coach ou d’accompagnateur d’entreprise n’est pas nécessairement très développé. « Or sans marché, il n’y a guère d’offres d’emploi, et donc il est extrêmement difficile voire impossible d’exercer ce métier. Faire percoler le métier de coach au niveau local reste donc parfois un véritable défi et constitue l’un des objectifs du TDC. » 

Enfin, une autre difficulté rencontrée par bon nombre de BSO accompagnées par le TDC, c’est qu’elles évoluent dans des économies où la part informelle peut être assez élevée. « Ces BSO se retrouvent alors à devoir accompagner des entreprises qui n’ont pas d’états financiers, qui n’ont pas réellement structuré leur activité et qui par conséquent ne sont pas en mesure de lever des fonds pour se développer. En termes d’accompagnement, c’est évidemment un élément qu’il faut prendre en compte puisqu’on coache des entreprises dont la marge de manœuvre est beaucoup plus limitée. La plupart de ces starters n’auront en effet pas accès à des financements classiques et devront faire avec des bouts de chandelles, avant d’atteindre un niveau d’activité suffisamment important pour solliciter un organisme de crédit. » Anderson Nda, chef de la division Guichet des Services aux PME au sein de l’agence de l’État ivoirien CIPME, ne dit pas autre chose. « De manière générale, les principaux défis que nous devons relever en Côte d’Ivoire sont l’amélioration du climat des affaires, le renforcement des capacités techniques et managériales des dirigeants d’entreprises, les difficultés d’accès aux marchés et aux financements par nos clients et enfin le faible développement de la culture entrepreneuriale et de l’innovation », résume-t-il. 

De véritables ‘role models’ 

Néanmoins, et malgré ces défis, le programme de renforcement du TDC semble valoir la peine de se donner les moyens de le suivre. « Le rapport de l’examen complet de l’organisation est à lui seul une grande victoire », assure Gideon Brefo. « Les experts n’imposent pas non plus leurs expériences à l’entreprise, ce qui est très appréciable. Ils reconnaissent que les circonstances locales sont différentes. Par conséquent, ils cocréent le contenu avec nous et nous aident à façonner nos idées grâce à la richesse de leurs expériences. Au-delà de ça, ils nous ont aidés à développer des structures concrètes avec la documentation adéquate en utilisant les outils qu’ils nous ont fournis. De plus, l’intérêt personnel que les experts ont porté à chaque membre de l’équipe était très encourageant », se félicite le CEO de HapaSpace, qui a depuis lors en partie réorienté les objectifs de son organisation. « À l’avenir, nous allons augmenter les programmes payants conçus en interne pour notre hub d’innovation, améliorer les possibilités de développement de carrière pour l’ensemble de notre personnel et projeter notre nouvelle identité de marque par le biais d’un nouveau site web et via les réseaux sociaux. » 

« De manière générale, il est possible de faire beaucoup plus de progrès en bien moins de temps en coachant une BSO qu’une coopérative », avance Daniella Mastracci. « Avec une coopérative, il y a généralement des fondations à poser avant de pouvoir avancer, tandis qu’avec une BSO ces fondations sont déjà là et on peut rapidement chercher à développer une stratégie pour qu’elle puisse soutenir d’autres organisations que nous aurions également pu coacher. » En parallèle de leur fonction première de soutien, les BSO endossent par ailleurs un rôle de modèle auprès des autres organisations, pointe l’experte en marketing. « Bon nombre d’organisations comptent sur les BSO pour recevoir des conseils, des infos, de la guidance, pour modeler la manière dont elles devraient créer leurs propres business… Les BSO sont donc très bien placées pour communiquer efficacement sur les impacts positifs que ces organisations peuvent avoir. » C’est notamment le cas concernant les questions de durabilité socio-économique et environnementale. « Identifier comment mesurer ces impacts et les communiquer, je pense que cela peut produire pas mal de changement. Les BSO ont l’opportunité de vraiment intégrer ce triple constat : ce n’est pas seulement bon pour le business, mais aussi pour les gens et pour la planète. » 

La durabilité au cœur de la démarche du TDC 

Cette préoccupation pour la durabilité fait d’ailleurs partie de l’ADN du programme de renforcement mis en place par le TDC, et ce à plusieurs niveaux. « La vision du Trade for Development Centre est qu’il faut des entreprises saines sur les territoires et qu’elles travaillent le plus possible dans le commerce équitable, avec une juste rémunération des différents intervenants de la chaîne », résume Maxime Bacq. « Nous sommes donc là dans une vision d’impact socio-économique, d’une structuration à la fois des filières plus agronomiques, mais aussi une structuration des écosystèmes. » Le TDC se montre également très attentif aux parcours professionnels des coaches qu’il engage. « Dans le coaching participatif, on va souvent retrouver des personnes qui ont des affinités, ou du moins une bonne compréhension des externalités, positives ou négatives, et des impacts que peut avoir une entreprise, un programme, une filière, etc. Moi-même j’ai travaillé pendant une dizaine d’années dans l’entrepreneuriat durable, parfois sur des questions de commerce équitable, parfois sur des questions de développement de coopératives qui s’inscrivent dans la durabilité. Et par conséquent, c’est aussi pour cela que je travaille pour le TDC. » Enfin, le TDC prête aussi une attention particulière à cet aspect dans la sélection des bénéficiaires de son programme de renforcement. « La plupart des BSO sélectionnées sont des organisations qui se sont données de près ou de loin un but sociétal », confirme Maxime Bacq. « Lorsqu’on est suffisamment fou que pour créer une BSO, il faut sans doute aussi vouloir avoir un impact positif sur la société. » 

L’Afrique coache l’Afrique 

Et Gideon Brefo d’illustrer ces impacts en matière de durabilité au travers de plusieurs projets portés par HapaSpace. « Nous avons travaillé avec le projet SNV GREEN pour soutenir 10 start-up dans le domaine du génie agricole, de la transformation et de l’élevage afin d’appliquer une méthodologie verte à leurs opérations commerciales. Nous fournissons également un soutien au développement commercial de nos start-up dans la chaîne de valeur agricole. Et enfin, de décembre 2021 à septembre 2022, nous avons collaboré avec la GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, l’Agence allemande de coopération internationale, NDLR) pour offrir une formation aux compétences numériques à 160 agricultrices d’Adjamesu, une ville rurale du Ghana. Elles ont reçu une formation de base en téléphonie, monnaie électronique et marketing des réseaux sociaux. » 

Améliorer la durabilité des filières agricoles dans les pays du Sud est un enjeu d’autant plus crucial alors que l’Union européenne est en passe de mettre en œuvre de nouvelles réglementations en la matière. Celles-ci impacteront notamment fortement la filière cacao, particulièrement développée en Côte d’Ivoire, d’où l’importance d’accompagner ses nombreux acteurs. Et c’est exactement ce que tente de faire une organisation comme CIPME, qui est par ailleurs la seule BSO gouvernementale appuyée par le programme de renforcement du TDC à ce jour. « Nous accompagnons certaines PME dans la chaîne de valeur du cacao grâce à l’appui de partenaires comme la GIZ. Nous travaillons, entre autres, à les amener à faire face aux réglementations européennes sur la durabilité des filières agricoles, ce qui devrait apporter un grand changement pour ces PME que nous appuyons », explique Anderson Nda. « Plus largement, l’apport des PME dans l’économie n’est pas à négliger. Plus les PME se développent par un accompagnement à travers notre institution et deviennent fortes, plus elles contribuent à l’accroissement de l’économie du pays. Le coaching du TDC nous a permis de mieux comprendre l’importance du rôle à jouer dans la vie des entreprises, quel que soit leur stade d’évolution, afin qu’elles se développent mieux et influencent positivement la durabilité socio-économique et environnementale en Côte d’Ivoire. » 

« En définitive, les BSO sont des organisations clé pour générer de l’impact car il s’agit d’organisations locales », conclut Daniella Mastracci. « Elles comprennent parfaitement le contexte des organisations avec lesquelles elles travaillent et avec lesquelles nous pouvons nous aussi être amenés à collaborer. Il est donc important de continuer à travailler avec les ‘support organisations’ afin que celles-ci puissent fournir encore plus d’opportunités à des entreprises locales, sans devoir recourir à des coaches étrangers. Il est important que l’Afrique puisse coacher l’Afrique, que des organisations locales puissent faire elles-mêmes le boulot au sein de leurs propres pays. » 

Texte: Anthony Planus

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