Java

Dans la lutte climatique, Java prend le parti de la neutralité carbone

S’il dispose bien de plusieurs cafés labellisés bio et/ou Fairtrade au sein de sa gamme de produits, le torréfacteur belge Java a fait le choix de surtout concentrer ses efforts sur la durabilité et son impact climatique, un engagement qui a pris la forme d’une certification ‘CO2 neutral’.

Fondée il y a près d’un siècle, l’entreprise spécialisée dans la torréfaction de café Java a décidé en 2016 d’opérer un tournant majeur en s’engageant sur la voie de la neutralité carbone. « À l’époque, l’Accord de Paris sur le Climat venait d’être signé, ce qui nous a poussés à nous pencher sur notre impact en tant qu’entreprise et sur celui du marché du café en général », se remémore la CEO Kathleen Claes. « Deux choses en sont ressorties : la production de café génère des émissions de CO2 tout au long de la chaîne, mais plus de 80% de ces émissions ont lieu dans les pays d’origine.

Comme nous sommes un petit acteur au niveau mondial, notre impact est faible. Néanmoins, nous avons fait le choix de ne pas attendre les actions des leaders du marché. » Dans la foulée de cette décision, Java a donc procédé au calcul de l’ensemble de ses émissions de CO2, du champ à l’usine, avec le consultant en environnement CO2logic, un exercice dont les résultats sont depuis lors actualisés chaque année. Dans un second temps, l’entreprise s’efforce tous les ans de réduire un peu plus ses émissions partout où elle l’estime possible. Par exemple, en installant des panneaux solaires sur les toits de ses installations ou encore en remplaçant les véhicules de sa flotte par des voitures électriques. Enfin, dans une troisième phase, les émissions résiduelles, c’est-à-dire celles qui n’ont pas pu être davantage compressées comme celles liées à l’utilisation du gaz pour la torréfaction ou encore celles engendrées dans les pays producteurs et sur lesquelles l’entreprise n’a que peu de prises, sont compensées par l’achat de crédits carbone. Ceux-ci servent ensuite à financer divers projets de réduction et de capture du CO2 dans les régions d’origine du café. « Nous pouvons donc en conclure que tous nos cafés de marque Java sont climatiquement neutres, et ce, qu’ils soient destinés au commerce de détail, à l’horeca, au marché des bureaux ou encore au secteur institutionnel », se félicite Kathleen Claes, qui ajoute cependant que les clients en marques privées qui le souhaitent peuvent, eux, toujours opter pour un café qui n’est pas climatiquement neutre.

Scope 1, 2, 3, c’est quoi ?

En 2022, l’empreinte carbone de Java a atteint 2.215 tonnes de CO2, un chiffre en hausse de 47% par rapport à l’année précédente, mais en baisse de 44% par rapport à 2019 (3.999 tCO2). Cela représente 4,86 kilos de CO2 par kilo de café produit, ressort-il du rapport annuel publié par Java et CO2logic. Le document précise par ailleurs que la forte hausse observée entre 2021 et 2022 est largement liée à une collecte plus précise des données, ce qui implique sans doute une sous-estimation des émissions les années précédentes. De plus, Java a également acheté davantage de grains en 2022, ce qui se traduit mécaniquement par une hausse des émissions en valeur absolue. Précisons également que cette empreinte carbone porte sur les émissions faisant partie du scope 1, c’est-à-dire sur les émissions directes de l’entreprise (chauffage, véhicules…), et celles du scope 2 (émissions indirectes liées à l’énergie comme la production d’électricité, de gaz, d’essence…), mais seulement une partie des émissions du scope 3, dont l’achat de biens et services en amont ou encore le transport et la distribution vers les grossistes en aval. Ce dernier poste devrait toutefois être étendu jusqu’au client final à partir de 2024. Ne sont donc pas prises en compte, et donc ni réduites ni compensées, les autres émissions indirectes liées par exemple à la consommation des produits (usage d’une machine à café), leur recyclage ou destruction en fin de cycle de vie ou encore l’éventuelle location de certaines installations.

À l’heure actuelle, la certification ‘CO2 neutral’ dont bénéficie le torréfacteur belge ne mentionne pas cette nuance, mais cela devrait toutefois bientôt changer. CO2logic procède en effet au déploiement d’une nouvelle certification qui se décline désormais en trois niveaux : bronze (qui couvre les scopes 1 et 2), argent (scopes 1, 2 et une partie du 3) et or (scopes 1, 2 et au moins les trois quarts des émissions du scope 3). « Nous sommes en train de travailler sur ce changement, mais il ne sera pas visible sur nos emballages avant 2025. Nous devrions alors obtenir le label argent », explique Kathleen Claes, qui souligne que Java inclut déjà dans son calcul toutes les émissions depuis les plantations de café jusqu’aux dépôts de ses clients.

« Le client est roi »

Dans les conclusions présentées par ce même rapport annuel, on remarque encore que les émissions liées au changement d’affectation des sols, en d’autres termes la déforestation, ont représenté pas moins de 707 tonnes de CO2, soit 32% des émissions totales de Java l’année dernière. En 2021, ces émissions n’étaient ‘que’ de 184 tonnes de CO2. Raison pour laquelle CO2logic souligne l’importance de disposer d’une chaîne d’approvisionnement exempte de déforestation, tout comme de se fournir en café issu de l’agriculture biologique, moins émettrice de gaz à effet de serre. « Nous achetons de plus en plus de cafés biologiques, notamment parce que ceux-ci contribuent à réduire notre empreinte carbone », assure Kathleen Claes. « En outre, nous surveillons l’endroit où nous achetons nos cafés et donnons la préférence aux régions où il n’y a pas eu de déforestation. » Pourtant, du propre aveu de la CEO, le café certifié bio ne représente à l’heure actuelle qu’une très petite partie de la production totale de Java. « Nous ne percevons pas vraiment une demande en ce sens de la part de nos clients particuliers ou professionnels. Quant au secteur institutionnel, il peut parfois en faire la demande, mais c’est plus souvent orienté vers le Fairtrade qui, lui, connaît un réel engouement. Nous proposons des cafés issus du commerce équitable depuis une trentaine d’années, car nous croyons en cette démarche. Nous sommes d’ailleurs en train d’étudier la possibilité d’élargir notre offre en la matière. »

Toutefois, Java n’envisage pas pour autant de basculer vers une gamme 100% équitable. « Que ce soit pour le Fairtrade ou le bio, il y a toujours un surprix, et les consommateurs privés comme les institutions publiques ne sont pas tous nécessairement disposés à payer davantage », justifie Kathleen Claes. « Dans le commerce de détail, nous avons bien lancé récemment trois nouveaux produits pour Bio-Planet qui sont doublement certifiés bio et Fairtrade, et même triplement avec l’aspect ‘CO2 neutral’, mais cela ne porte que sur un groupe spécifique de consommateurs. Nous ne pouvons pas étendre cela à la totalité de notre clientèle. » À cet égard, la dirigeante estime que si les torréfacteurs pourraient en faire davantage en matière de durabilité en général, elle souligne qu’il incombe aussi aux consommateurs de se montrer plus enclins à payer davantage pour améliorer les conditions de vie des caféiculteurs. « À terme, je pense que nous nous dirigeons vers un secteur du café qui sera globalement durable et équitable. Quand ? J’espère plus tôt que plus tard, mais ce sera au consommateur de décider. Le client est roi. Si demain, il exigeait des produits durables et équitables, les choses bougeraient très vite », conclut Kathleen Claes.

Propos recueillis par Anthony Planus pour le Trade for Development Centre d’Enabel.
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