Le Conseil européen vient d’adopter, ce 19 novembre, un règlement interdisant l’entrée, l’exportation et la vente dans l’Union européenne de produits issus du travail forcé.
Le nouveau règlement de l’UE sur le travail forcé vise à lutter contre les violations des droits humains dans les chaînes d’approvisionnement internationales. On estime en effet que 27,6 millions de personnes dans le monde sont piégées dans des conditions de travail forcé.
Une approche globale de la lutte contre le travail forcé
Proposé à l’origine par la Commission en septembre 2022, le champ d’application du règlement est très large et couvre toutes les étapes de la création d’un produit, de l’extraction initiale à la fabrication finale. Qu’il s’agisse d’un seul composant ou d’une chaîne de production complète impliquant du travail forcé, le produit peut être interdit sur les marchés de l’UE.
Pour y parvenir, la Commission européenne constituera une base de données identifiant les zones et les produits à haut risque. Après une évaluation des risques potentiels, la Commission (en cas de recours au travail forcé en dehors de l’UE) ou les autorités des États membres (en cas de recours au travail forcé sur leur territoire) pourront ouvrir une enquête.1
La décision finale d’interdire, de retirer ou d’éliminer un produit non conforme sera prise par l’autorité en charge de l’enquête,2 et sera reconnue dans tous les États membres, créant ainsi un mécanisme de mise en œuvre unifié.
Impact mondial et responsabilité des entreprises
Les entreprises opérant à l’échelle mondiale seront désormais soumises à des exigences strictes pour démontrer l’intégrité éthique de leurs chaînes d’approvisionnement. Et c’est bien nécessaire. Le Global Slavery Index de Walk Free révèle que 468 milliards de dollars d’importations du G20, y compris dans les secteurs de l’électronique, du textile et des panneaux solaires, sont menacés par l’esclavage moderne.3 Dans l’agriculture également, l’exploitation des travailleurs migrants, souvent dans des conditions de travail forcé, est un problème de longue date. La plupart des cas de travail forcé se produisent dans les chaînes d’approvisionnement du secteur privé, bien que certains soient imposés par les gouvernements.
Mise en œuvre et calendrier
L’accord du Conseil marque l’adoption du règlement qui sera publié au Journal officiel de l’Union européenne avant Noël et deviendra pleinement opérationnel trois ans après son entrée en vigueur ; ce qui laissera aux entreprises le temps d’éventuellement revoir leurs filières d’approvisionnement. Son succès dépendra toutefois d’une application rigoureuse, de ressources suffisantes et d’une coopération internationale continue.
Samuel Poos, project manager du Trade for Development Centre chez Enabel.
- Proposition de la Commission (en anglais)
- Accord du Conseil / mandat de négociation (en anglais)
- Produits du travail forcé (information générale)