L’enseigne discount Aldi propose depuis deux ans un chocolat à la fois équitable et durable sous la marque « Choceur Choco Changer », une gamme née de la collaboration entre la chaîne de supermarchés et la filière d’approvisionnement Tony’s Open Chain.
Au début du printemps 2022, Aldi a introduit au sein de son assortiment permanent une nouvelle gamme de tablettes de chocolat baptisée « Choceur Choco Changer », disponible en trois goûts différents (chocolat au lait sel/caramel, chocolat blanc pistache/framboise et chocolat noir 70%) et à moins de 2 euros pour 150 grammes. Le discounter d’origine allemande assure en outre que son chocolat est 100% durable, équitable et produit à partir de fèves de cacao traçables. « Choceur Choco Changer est le résultat d’une coopération entre Aldi et Tony’s Open Chain », explique Louis Van Den Bossche, corporate responsibility specialist au sein de la filiale belge de l’enseigne. Il s’agit d’une initiative lancée par la marque néerlandaise de chocolat Tony’s Chocolonely et qu’Aldi a rejoint à partir de 2021 en tant que premier discounter international, et ce, avec l’ambition de participer à la lutte contre les (nombreux) travers qui gangrènent l’industrie du cacao, comme le travail illégal des enfants, la pauvreté, la déforestation ou encore les inégalités.
Tony’s Open Chain
« C’est en 2012 que Tony’s Chocolonely a commencé à acheter le cacao nécessaire à ses propres produits directement auprès de deux coopératives partenaires au Ghana et en Côte d’Ivoire », poursuit Louis Van Den Bossche. « Depuis, l’entreprise s’est élargie à 11 coopératives partenaires, auprès desquelles elle achète du cacao sur la base de cinq principes d’approvisionnement qui visent à favoriser des changements systémiques et à mettre fin à l’exploitation dans le secteur du cacao. Toutefois, afin de mener à bien cette mission, Tony’s entend collaborer avec d’autres marques. En effet, plus la quantité de fèves de cacao achetées conformément à ses cinq principes est élevée, plus le changement structurel pourra être important dans la chaîne, raison pour laquelle Tony’s Open Chain a vu le jour en 2018-2019. » Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique ? « Cela signifie que les partenaires de l’initiative sont ainsi en mesure de se procurer des fèves de cacao auprès des coopératives partenaires de Tony’s sur la base des cinq principes et d’utiliser ensuite ce cacao pour la fabrication de leurs propres produits, comme c’est le cas pour le Choco Changer. »
Cinq grands principes
Ces cinq principes d’approvisionnement justement, quels sont-ils ? « Tout d’abord, toutes les fèves de cacao de la filière Tony’s Open Chain sont traçables à 100% et proviennent directement des coopératives partenaires de la marque néerlandaise. Cela signifie que nous savons où les fèves sont cultivées et dans quelles circonstances », assure le corporate responsibility specialist de chez Aldi Belgique, qui ajoute que la traçabilité et la cartographie des exploitations agricoles sont notamment utiles pour prévenir la déforestation et faire respecter la législation. Le second principe de Tony’s Open Chain prévoit un prix plus élevé pour les cacaoculteurs, poursuit Louis Van Den Bossche, qui précise que les fèves (et les autres ingrédients) sont par ailleurs labellisées Fairtrade. « En sus, les cacaoculteurs reçoivent une prime supplémentaire, en plus de la prime Fairtrade, pour chaque kilo de fèves de cacao vendu. Celle-ci est calculée par Fairtrade sur base de son indicateur LIRP (Fairtrade Living Income Reference Prices, ndlr). Les partenaires de l’initiative transfèrent le montant de cette prime à Tony’s, qui reverse par la suite l’argent aux coopératives. Cette approche permet donc aux agriculteurs qui décident de passer par Tony’s Open Chain de gagner au minimum un revenu de subsistance. »
Le troisième principe consiste à offrir aux agriculteurs des perspectives pour l’avenir. « Aldi prend des engagements à long terme, sur plusieurs années, ce qui donne aux agriculteurs une sécurité de revenu et la possibilité d’investir dans leur entreprise », illustre Louis Van Den Bossche. « De plus, le processus de planification et de prévision pour le Choco Changer se déroule tôt dans l’année, afin d’offrir une plus grande sécurité aux coopératives. » Le quatrième vise à renforcer les producteurs et favoriser leur autonomie via un soutien apporté aux coopératives. « Tony’s Open Chain porte sur la manière dont le business est mené et non spécifiquement sur la mise en œuvre de projets de développement. Cependant, il est important de souligner que cela inclut la mise en œuvre de plusieurs initiatives en collaboration avec les coopératives partenaires. Il s’agit par exemple de l’accompagnement des agriculteurs, de la politique d’agroforesterie ou d’un système très strict de contrôle des conditions de travail. D’ailleurs, promouvoir l’agroforesterie est bénéfique pour l’agriculture durable, la santé des arbres, la qualité des sols, la résistance aux conditions météorologiques extrêmes, etc. C’est également un facteur positif puisqu’il renforce les contrôles sur les conditions de travail inadmissibles. » Enfin, le dernier principe repose sur une productivité et une qualité améliorées. « C’est pourquoi Aldi aide les agriculteurs à améliorer leurs rendements grâce à la formation et aux investissements de Tony’s Open Chain, de même qu’à accéder aux marchés. »
Résultats, limites, consommateurs
Tous ces aspects permettent à Louis Van Den Bossche et Aldi de se féliciter du fait que le chocolat Choco Changer bénéficie d’une traçabilité opérationnelle à 100% des fèves de cacao, tandis qu’une augmentation de 50 à 60% du revenu des ménages liés aux coopératives partenaires a été observée, tout comme un renforcement des contrôles sur les conditions de travail inadmissibles et une incitation envers les pratiques agroforestières. Toutefois, le corporate responsibility specialist reconnait que la filière n’est pas non plus une panacée. « Avec le revenu de subsistance ou living income, nous permettons aux agriculteurs d’atteindre un niveau de vie correct. Mais ce n’est qu’un aspect, car le revenu dépend aussi des rendements, des autres revenus agricoles, etc. Cela signifie que nous dépendons d’autres facteurs. » Et Louis Van Den Bossche de conclure : « Nous devrions nous mettre à table avec les coopératives, les fournisseurs, les détaillants, les décideurs politiques, etc. À ce titre, l’initiative Beyond Chocolate est un bon exemple. Plus nous apprendrons les uns des autres, plus nous pourrons améliorer les choses. Il est également important de sensibiliser les consommateurs. Si plus de gens veulent acheter du cacao durable, alors davantage de chaînes d’approvisionnement deviendront durables. » Jusqu’à atteindre un jour une industrie du cacao 100% durable ? « C’est assurément un défi important. Toutefois, cela peut être concevable, à condition que tous les facteurs soient favorables et que toutes les parties de la chaîne collaborent étroitement ensemble. »