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AgroFair, le pionnier de la banane équitable continue d’innover

« Le commerce équitable » ou « une juste cause » ne peut pas être une excuse pour fournir une qualité médiocre.

Si aujourd’hui, en Belgique, une banane sur quatre est issue du commerce équitable, on le doit en grande partie à AgroFair. En 1996, avec ses bananes Oké, l’entreprise a été la première à importer des bananes équitables en Europe. Frank Vermeersch nous emmène faire un petit tour dans les coulisses de ce pionnier du commerce durable.

Sa mission : soutenir les petits producteurs de bananes

« Nous sommes une entreprise commerciale s’apparentant fortement à une ONG », nous confie Frank Vermeersch, qui, depuis 2009, occupe la fonction de Customer Relations and Marcom Manager chez l’importateur de fruits. « Ce sont à l’origine les pères fondateurs de Max Havelaar, l’actuel Fairtrade International, qui ont porté AgroFair sur les fonts baptismaux. Après avoir mis au point, dans les années 80, la certification Fairtrade pour le café, ils se sont assez rapidement rendu compte qu’il fallait intervenir dans de nombreuses autres filières. Avec un produit de masse comme la banane, ils comptaient sur un impact positif important. »

Si, quelque vingt-cinq ans plus tard, AgroFair importe divers autres fruits tropicaux, les bananes représentent toujours 90 % de l’offre. Faire une réelle différence pour les petits producteurs d’Amérique latine demeure l’un de ses principaux objectifs.

Dans le monde de la banane, AgroFair est une entreprise atypique : plus de 40 % des parts sont détenues par des producteurs de bananes, et les 60 % restants par des investisseurs éthiques. « Cette structure nous dissuade de travailler dans une optique paternaliste », poursuit Frank. « Nous ne nous facilitons certes pas la tâche, mais cela concerne l’essence même de notre entreprise. »

Des relations transparentes, gage de qualité

« Le secteur traditionnel des bananes ne contribue pas au développement des régions bananières. Les acheteurs conventionnels proposent de fait souvent un prix qui est à prendre ou à laisser, et qui se traduit par des conditions de vie peu enviables pour les cultivateurs. « Nous prouvons de notre côté qu’il est possible de travailler autrement », affirme Frank Vermeersch.

L’approche d’AgroFair se fonde sur des relations directes et de longue durée : « Nous collaborons depuis plus de 20 ans avec bon nombre de nos acheteurs et producteurs, et ce, dans la plus grande transparence. Nous veillons à harmoniser les besoins réciproques, nous pouvons ainsi offrir une perspective réaliste aux producteurs. »

« Nous mettons aussi délibérément en contact les producteurs et les supermarchés, avec à la clé des échanges de coordonnées et des visites de part et d’autre tous les ans ou tous les deux ans. Cela se solde par une amélioration de la collaboration et de la qualité des produits. »

Outre le sort des producteurs, cette qualité est primordiale pour AgroFair. « Le commerce équitable » ou « une juste cause » ne peut pas être une excuse pour fournir une qualité médiocre. Une banane a beau sembler être un produit simple, bien des contretemps peuvent se produire tout au long des 10.000 kilomètres qu’elle parcourt de la plantation à votre supermarché. À chaque étape, nous surveillons de près les exigences de qualité : dans la plantation, pendant le lavage et l’empaquetage, pendant le transport, jusqu’à la mûrisserie et le supermarché. »

Du bio, mais pas que

La majorité des bananes issues du commerce équitable vendues en Belgique sont également certifiées bios. De son côté, AgroFair aussi voit la part de sa marque bio Eko Oké augmenter. Si Frank Vermeersch considère la combinaison bio-équitable comme le nec plus ultra, AgroFair n’ambitionne pas de passer intégralement au bio.

Non sans raison : « Certains producteurs de bananes engagés dans l’équitable depuis des décennies n’envisageront jamais de cultiver des bananes bios, les conditions climatiques ne convenant pas dans toutes les régions à la culture biologique de bananes. Si nous misons exclusivement sur les bananes bios, bon nombre de ces agriculteurs risquent de se retrouver dans la situation d’avant le commerce équitable. »

Voilà pourquoi AgroFair préfère mobiliser son énergie pour rendre équitables les bananes non bios. « Car, même si le bio a le vent en poupe, la demande de bananes non bios se maintient. Cela s’apparente un peu au principe des vases communicants. Nous entrevoyons encore de nombreuses possibilités de croissance pour le commerce équitable », conclut Frank.

Progression vers le 100% équitable

Depuis près de 25 ans, AgroFair offre aux producteurs de bananes des opportunités pour se construire une vie meilleure. « Les certifications équitable et biologique sont des moyens très fiables pour y veiller », déclare Frank, « mais il existe encore toute une gamme de possibilités entre cet idéal et le commerce qui ne s’intéresse qu’au prix le plus bas. »

« En tant qu’entreprise éthique, vous pouvez choisir de vous limiter strictement aux produits certifiés équitable. C’est ce que nous-mêmes faisions par le passé, jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’on abandonnait certains producteurs à leur sort, les exigences équitables n’étant en effet pas à la portée de tous. Comme solution provisoire, nous optons pour la certification Rainforest Alliance. Celle-ci offre aux producteurs une plus grande certitude et de meilleures conditions de vente que le circuit conventionnel. Bien qu’elles vendent déjà souvent un volume limité de bananes équitables, ces personnes se trouvent en quelque sorte dans la salle d’attente du commerce équitable. Dans le même temps, nous pouvons proposer aux supermarchés des bananes Oké moins chères. C’est pour eux un « tremplin » vers un plus grand volume en commerce équitable. »

Garder un regard critique

AgroFair s’attache à rendre sa filière la plus durable possible. Si l’accent est mis sur l’équitable et le bio, l’entreprise prend également des initiatives pour avoir un impact plus large. Frank Vermeersch reste cependant prudent en utilisant le terme « durabilité ».

« Trop souvent, les entreprises emploient ce terme bateau de manière très réductrice. Parfois même inconsciemment : elles travaillent réellement très dur pour améliorer un aspect de leur chaîne, mais perdent de vue l’ensemble. Certaines d’entre elles le font néanmoins à dessein : elles concentrent leur communication sur ce seul aspect afin de ne pas avoir à parler de tout ce qui n’est absolument pas durable. C’est là une pratique à laquelle nous sommes particulièrement attentifs. Pour moi, il faut être convaincu d’être sur la bonne voie, mais dans le même temps, il est nécessaire de continuer à porter un regard critique sur soi-même. Systématiquement, mais certes par à-coups, nous faisons tout notre possible pour continuer à nous améliorer, en se référant constamment aux Objectifs de développement durable ainsi qu’aux directives GRI applicables aux rapports de durabilité. »

Transformer les déchets plastiques

C’est ainsi qu’a été lancé le projet de recyclage d’AgroFair au Pérou, l’un des plus importants pays producteurs de bananes. Jusqu’à il y a quelques années, les déchets plastiques jonchaient les plantations, les rues, les rivières… Il y en avait partout, ce qui ne plaisait pas à ceux et celles qui, comme nous, privilégient l’équitable et le bio. Après quelques tentatives infructueuses, nous avons récemment trouvé un moyen de les transformer en corner boards, c’est-à-dire des cornières de protection, qui sont utilisées pour garder les caisses de bananes bien droites sur la palette pendant le transport. »

Pour l’heure, AgroFair étend ce projet à d’autres producteurs, y compris en dehors du Pérou. Frank Vermeersch rêve de fabriquer d’autres objets utiles encore à partir de ce plastique recyclé, comme des chaises et des tables pour les villages.

En matière de durabilité toujours, AgroFair s’efforce également de prévenir les déchets alimentaires. « Le marché européen soumet les bananes à toute une série d’exigences et une partie des récoltes n’y satisfait pas. Pour pouvoir vendre ces bananes à des conditions équitables, nous collaborons avec des entreprises qui les transforment en purée », nous explique Frank. Celle-ci est utilisée dans l’alimentation pour bébés, les pralines, les yaourts, les jus de fruits (dont le très connu Worldshake d’Oxfam), etc.

« Notre travail n’est jamais terminé. Nous avons continuellement de nouveaux défis à relever pour mieux harmoniser l’interaction entre l’être humain, l’environnement et l’économie. Ainsi, pour les années à venir, nous comptons entre autres nous concentrer sur une meilleure gestion des ressources hydriques et sur la lutte contre la maladie des bananes Tropical Race 4 très répandue dans le monde », conclut Frank avec détermination.

Continuer à renforcer la crédibilité

À la question de savoir quels sont les défis du futur, Frank répond : « Ces derniers temps, nous nous tournons aussi vers l’Afrique. Notre travail en Amérique latine est loin d’être terminé, mais le niveau de vie y a clairement augmenté. On ne peut imaginer plus grand contraste avec l’Afrique. Nous étudions les possibilités de produire des bananes bios et équitables sur ce continent, tout en y renforçant les communautés.

J’ai une vision plutôt positive de l’avenir. Nous constatons non seulement une tendance à la hausse dans toute l’Europe, tant pour le commerce équitable que pour les produits bios, mais la crise du coronavirus semble donner une impulsion dans la bonne direction, selon une étude réalisée pour Fairtrade Belgium».

Frank pointe toutefois le risque d’une trop grande confiance dans cette tendance positive. « Nous devons communiquer de manière cohérente, claire et transparente, que ce soit sur notre façon de travailler, sur l’utilisation des primes équitables et bios, sur notre impact réel… Nous devons continuer à renforcer notre crédibilité auprès des consommateurs et des détaillants, sans quoi nous risquons de voir les « non-croyants » prendre le dessus au sein de ces grandes organisations. Cela pourrait inciter un de ces mastodontes à s’éloigner du commerce équitable pour créer son propre label de durabilité, et ce, souvent, avec une moins grande rigueur. »

Et Frank de conclure par un conseil précieux pour les autres entrepreneurs durables : « Comparez-vous le moins possible aux autres entreprises ! Faites ce dont vous êtes convaincus et partagez ce que vous apprenez avec les autres ! Je remarque que vous recevez alors, souvent de façon inattendue, un feedback constructif. »

Propos recueillis par Griet Rebry

Vous souhaitez en savoir plus sur AgroFair et sur le parcours des bananes Oké ? Jetez un petit coup d’œil au site web.

Photos: Agrofair
– En-tête: Panama
Frank Vermeersch avec un producteur de bananes équatorien et un acheteur COOP (Suisse)
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